A l’avenir, la reconnaissance des maladies professionnelles pourrait être plus compliquée et prendre plus de temps qu’aujourd’hui . C’est du moins l’avis de François Dosso, militant CFDT des Houillères du bassin de Lorraine (HBL) et ancien mineur qui défend actuellement ses anciens collègues devant le Conseil de prud’hommes de Forbach*. Les mineurs CFDT ont eu accès à un projet de décret ministériel qui porte sur deux points. D’une part, sur l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelle, en application de l’article 27 de la Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, appelée aussi loi Rebsamen. Le projet de décret porte d’autre part sur le fonctionnement des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Il s’agit notamment de renforcer leur expertise médicale par la présence d’un professeur d’université et praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie lorsqu’il s’agit de traiter des cas d’affections psychiques.
« En fait, ce projet de décret va plus loin car il remet en cause tout le système de réparation de la sécurité sociale », s’exclame François Dosso, un des militants CFDT. Ce dernier pointe du doigt le fait que les représentants des employeurs et des salariés n’ont été avertis de l’existence de ce texte qu’en février dernier lorsqu’il a été présenté à la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam-TS). C’est dans ce cadre que les représentants des employeurs et des salariés ont pris connaissance de la réforme de la procédure d’instruction des dossiers de reconnaissance des MP.
Rappelons que cette procédure est soumise à des délais réglementaires. La Cnam-TS a légalement trois mois pour traiter les demandes et trois mois supplémentaires pour les dossiers difficiles. Or ces délais ne sont généralement pas respectés. « D’où ce projet de réforme qui devrait toucher l’ensemble du système de réparation », déplore François Dosso. A commencer par le certificat médical déclaratif (CMD). Etabli par un médecin, il fait le lien entre les conditions de travail, les expositions professionnelles et les maladies. Ce certificat devrait fusionner avec le formulaire de demande de reconnaissance de MP qui, lui, est rempli par la victime.
« Cette fusion est problématique car, aujourd’hui, 60% à 70 % des CMD sont rédigés sur papier libre car les médecins n’aiment pas les contraintes administratives », rapporte François Dosso. En outre, toutes les victimes ne souhaitent pas forcément déclarer leur maladie, professionnelle de peur de perdre leur emploi. « C’est aux salariés de choisir s’ils veulent ou non faire cette démarche », insiste le militant qui soulève deux autres points litigieux. Ces derniers portent d’un côté sur la prise en compte de la date de la première constatation médicale et, de l’autre, sur la date de départ de l’instruction. A présent, le délai réglementaire de l’instruction démarre dès l’arrivée à la caisse primaire d’assurance maladie de la déclaration de la maladie professionnelle et du certificat médical déclaratif.
Demain, le compteur pourrait ne démarrer qu’à partir du moment ou le dossier sera complet. C’est à dire avec le résultat des examens médicaux complémentaires (scanner, radiologie, etc) prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. Sachant que les médecins traitants sont rarement au fait des procédures à suivre, il est clair qu’avec de telles conditions, le démarrage du compteur va prendre du retard à l’allumage. Du coup, pour qu’un dossier parvienne complet, le patient ne pourra compter que sur les instructions de la caisse primaire d’assurance maladie. Or, dans le projet de décret, ces dernières ne seront plus soumises à des délais réglementaires. Second point litigieux, la détermination de la date de la première constatation médicale de la maladie. Aujourd’hui, lorsqu’un médecin traitant établit le certificat médical déclaratif, il indique clairement la date de la première constatation de la maladie. C’est elle qui va servir à calculer les droits à indemnisation.
Dans le projet de décret, la date qui serait prise en compte c’est celle qui sera déterminée par le seul médecin conseil. Lequel peut intervenir deux ans après l’apparition des premières manifestations de la maladie. Autant d’années d’indemnisations perdues pour le salarié.
Eliane Kan
* La bataille des mineurs de Forbach
Les mineurs CFDT de Forbach se battent sur un autre front, celui de la reconnaissance des préjudices d’anxiété et d’exposition fautive à des cancérogènes demandés par 834 anciens mineurs de Forbach. Ces salariés ont inhalé des produits cancérigènes durant leur carrière et craignent de développer une maladie professionnelle mortelle. Ces mineurs tablent sur trois décisions antérieures. La première intervenue en mai 2010 revient à la Cour de cassation. Les juges ont rendu indemnisable le « préjudice d’anxiété » pour des travailleurs de l’amiante qui n’avaient pas développé de maladie. La seconde intervenue en novembre 2010 reconnaissant les préjudices résultant de l’exposition fautive au chrome. La troisième rendue l’an dernier concerne la décision du conseil de prud’hommes de Longwy (Meurthe-et-Moselle) qui a accordé à 10 mineurs de fer une indemnité de 5.000 euros par personne. Mais leur ancien employeur a fait appel. Le dossier sera jugé devant la cour d’Appel de Nancy le 9 juin prochain. Les juges du conseil de prud’homme de Forbach rendront leur décision le 30 juin prochain pour les dossiers des 834 mineurs de charbon examinés le mois dernier.
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