Décrié par Pierre Gattaz, le président du Medef qui juge le dispositif inapplicable, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est entré, depuis le 1er juillet dernier, dans sa deuxième phase de mise en œuvre. 6 nouveaux critères sont désormais concernés. A savoir, les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges, les agents chimiques, les vibrations mécaniques, les températures extrêmes et le bruit. Ces facteurs sont définis à l’article D. 4161-2 du code du travail, rappelle une instruction émanant des ministères des Affaires sociales, du Travail et de l’Agriculture.
Nouvelle définition. Cette circulaire de 44 pages, publiée le 20 juin dernier, a pour objet de préciser la nature des obligations des employeurs liées à la mise en place et au fonctionnement du compte de prévention de la pénibilité. Elle précise également l’évolution de la définition et des seuils d’exposition de certains facteurs de risques professionnels, qui fait suite aux rapports remis par de Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville d’une part, et de Hervé Lanouzière d’autre part. Les 6 nouveaux critères s’ajoutent à ceux pris en compte en 2015. A savoir le travail de nuit, en horaires alternants, en milieu hyperbare (sous-marin). Sans oublier le travail répétitif auquel la circulaire donne une nouvelle définition : « Pour être considéré comme exposé à la pénibilité, un travailleur doit exécuter ces actions au minimum 900 heures par an. Les heures effectuées dans le cadre de ces deux catégories d’actions peuvent être cumulées dans leur comptabilisation pour atteindre le seuil de 900 heures par an dès lors qu’elles sollicitent les mêmes segments du corps. » Cette définition remplace celle entrée en vigueur au 1er janvier 2015, suite au rapport de Hervé Lanouzière, La définition du travail répétitif comme facteur de pénibilité.
Trois cas de figure. Pour aider les employeurs à apprécier l’exposition à la pénibilité, la circulaire envisage trois cas de figure. D’abord, celui où il n’existe pas d’accord collectif de branche étendu ou, à défaut, de référentiel professionnel homologué dans la branche de l’employeur. Dans ce cas, les seuils de pénibilité sont définis en croisant un critère d’intensité et un critère de durée. Deuxième situation, il existe, à défaut d’accord collectif de branche étendu, un référentiel professionnel de branche homologué dans la branche de l’employeur. Ce référentiel caractérise les postes, métiers ou situations de travail, exposés à la pénibilité. Dans ce cas, l’employeur peut utiliser cette caractérisation des postes métier ou des situations de travail exposées aux facteurs de pénibilité au-delà des seuils. Ou alors choisir d’utiliser son propre dispositif d’évaluation des risques et d’identification des salariés exposés, intégrant la prise en compte des mesures de protection individuelle et collective. Troisième cas de figure, il existe un accord collectif de branche étendu qui caractérise les postes, métiers ou situations de travail exposés à la pénibilité. L’employeur doit alors utiliser cette caractérisation, qui prend en compte les mesures de protection collective ou individuelle, pour déclarer les expositions des travailleurs. Cependant, si l’employeur a, antérieurement à la conclusion de l’accord, mis en place son propre dispositif d’évaluation des risques et d’identification des salariés exposés, dans le cadre précisé ci-dessus, il pourra continuer à se fonder sur ce dernier pour ses déclarations ultérieures dès lors que ce dispositif n’est pas contradictoire avec celui de l’accord collectif.
Absence de référentiel. « L’employeur peut, en cas de contestation, se prévaloir de l’utilisation de bonne foi de ces accords de branche étendus ou référentiels identifiant des postes, métiers ou situations de travail exposés à la pénibilité », indique la circulaire. Cette dernière indique d’ailleurs que le ministère du Travail pilotera un groupe d’appui technique, chargé d’accompagner les branches dans le processus d’élaboration des référentiels professionnels. Pour l’heure, selon un article paru le 1er juillet dernier dans les Echos, aucun accord de branche n’aurait encore été déposé au 30 juin dernier. La circulaire précise enfin comment déclarer les salaires et les cotisations*. Sachant que le dispositif du compte pénibilité fonctionne sur une logique de seuil. Pour chaque facteur est défini un seuil annuel d’exposition. En deçà du seuil, le salarié ne reçoit pas de points et l’employeur ne paye pas de cotisation spécifique. Le logiciel de paie de l’employeur lui permet de déclarer les facteurs d’exposition à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), au travers de la Déclaration annuelle des données sociales (DADS) puis, lorsqu’elle sera généralisée, de la Déclaration sociale nominative (DSN).
Délais reportés. En cas d’erreur dans la déclaration des facteurs d’exposition (erreur de facteur ou erreur sur le principe même de l’exposition par exemple), l’employeur peut la corriger. Dans le cas où la rectification est faite en faveur du salarié, elle est possible dans un délai de 3 ans à compter de la date d’exigibilité de la cotisation. Dans les autres cas, on peut la rectifier jusqu’au 5 ou 15 avril, selon les dates de versement des cotisations sociales de l’employeur, de l’année suivant celle concernée par l’exposition. A titre exceptionnel, la déclaration des facteurs d’exposition et le versement des cotisations spécifiques à la pénibilité dues au titre de l’exposition de l’année 2015 peuvent être modifiés au plus tard le 30 septembre 2016. Pour le régime agricole, cette correction peut être effectuée jusqu’au 10 octobre 2016. En outre, s’agissant des expositions relatives à l’année 2016, les modifications de déclarations de facteurs (et les rectifications induites des cotisations versées au titre de la pénibilité) pourront être adressées postérieurement à la date du 5/15 avril 2017 dans les mêmes conditions qu’au titre des expositions relatives à l’année 2015, à savoir au plus tard le 30 septembre 2017. Pour le régime agricole, cette modification pourra être effectuée jusqu’au 10 octobre 2017.
Eliane Kan
* Les dépenses liées à l’utilisation du compte pénibilité par le salarié sont prises en charge par un fonds financé par deux cotisations de l’employeur. D’abord, une cotisation de base, due par tous les employeurs (même ceux non concernés par les facteurs de pénibilité), correspondant à 0,01 % des rémunérations (à partir de 2017). ensuite, une cotisation additionnelle, due par les employeurs de salariés exposés, égale à 0,1 % des rémunérations des salariés exposés pour 2015 et 2016, puis à 0,2 % à partir de 2017. Cette cotisation est doublée pour les salariés exposés à plusieurs facteurs de pénibilité.
Les modalités du barème de points pénibilité
Grâce au dispositif institué par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, les salariés exposés aux facteurs de pénibilité et de risques professionnels acquièrent des points. Soit 1 point par trimestre d’exposition qu’ils peuvent transformer en formation professionnelle, départ anticipé à la retraite ou encore travail à temps partiel sur une période définie et sans perte de salaire. Le compte est plafonné à 100 points sur l’ensemble de la carrière rappelle la direction de l’information légale et administrative dans un article publié fin juin sur le site service-public-pro.fr.
Les salariés exposés pendant une année complète à 1 facteur obtiennent 4 points par trimestre contre 8 pour ceux sont exposés à plusieurs facteurs. Il ouvre droit à une action de formation professionnelle en vue d’accéder à un emploi pas ou moins exposé. Chaque point équivaut à 25 heures de formation. Le salarié peut aussi choisir de travailler à temps partiel sans baisse de rémunération. Dans ce cas 10 points donnent droit à 1 trimestre à mi-temps ou à 1 trimestre de droits à la retraite s’il préfère partir de manière anticipée à la retraite. Toutefois, les 20 premiers points obtenus sur le compte sont réservés à la formation professionnelle. L’article publié le 24 juin dernier contient un tableau qui recense de manière exhaustive les seuils annuels applicables aux facteurs de pénibilité et les conditions de prise en compte en 2015 et 2016.
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