7 à 10 % des puces électroniques commercialisées dans le monde seraient des contrefaçons. Le risque pour l'utilisateur va de la simple déception à l'incendie ou au dysfonctionnement des équipements. Des risques que veulent écarter des chercheurs français du CNRS en sécurisant la production des puces grâce à des composants embarqués.
Moins visible mais potentiellement plus impactante, la contrefaçon des « circuits intégrés » progresse en moyenne de 25 % par an depuis une quinzaine d’années aux Etats-Unis et en Europe. 7 à 10 % de ces composants commercialisés sur le marché seraient des produits de contrefaçon. Ce phénomène touche aussi bien les applications grand public que professionnelles. Les risques liés à l’utilisation de tels produits vont de la simple déception de l’utilisateur à l’incendie ou au dysfonctionnement du matériel. Les secteurs militaires et aéronautiques sont particulièrement affectés par la contrefaçon car ils utilisent des composants d’anciennes générations. « Aux Etats-Unis, des dysfonctionnements dans des hélicoptères de combat et des missiles attribués à des composants contrefaits ont été documentés » rapporte Lilian Bossuet, maître de conférences et directeur du département informatique télécom et image au Laboratoire Hubert Curien à l’université Jean Monet Saint-Etienne. A la tête d’une équipe de chercheurs, ce dernier s’intéresse aux phénomènes de la contrefaçon et du vol des circuits intégrés depuis une quinzaine d’années.
Salware sécurise la production à l’aide de composants intégrés dans la puce électronique
Depuis 2013, il conduit d’ailleurs un projet de recherche baptisé « Salware » qui vise à sécuriser la production de puces à l’aide de composants intégrés dans le circuit de manière à empêcher leur vol et leur utilisation frauduleuse. Différents moyens ont été développés. Parmi lesquels, le blocage du circuit intégré. Ce procédé est proche de celui déjà adopté par les éditeurs de logiciels qui demandent à leurs clients un numéro de licence pour utiliser librement leur produit. Autre mesure de protection élaborée par l’équipe de chercheurs français, la réalisation d’une empreinte spécifique à chaque composant. « L’idée est d’y embarquer un système qui mesure à l’échelle nanométrique certaines disparités infimes entre deux transistors identiques, par exemple l’épaisseur des oxydes ou la régularité des pistes, ce qui permet d’obtenir une signature propre à chaque circuit », explique Lilian Bossuet. Dès lors, avant que les puces ne soient introduites dans un équipement, l’intégrateur pourra vérifier leur « identifiant biométrique ». Cette opération se fera bien-sûr automatiquement. Par exemple lors de la phase de tests au niveau système, un serveur dédié pourra interroger les puces électroniques afin de vérifier et valider leur identifiant ou leur numéro de licence.
Tous ces mécanismes de protection vont générer un surcoût pour les fabricants de circuits intégrés. Mais le risque financier lié à la contrefaçon devrait les inciter à sauter le pas. Du côté des clients et de leur chaine d’approvisionnement ils recourent d’ores et déjà à des intervenants spécialisés. Ces entreprises parmi lesquelles Serma Technologies effectuent des vérifications par des tests visuels voire même à l’aide de rayons X afin de détecter des contrefaçons.
La Darpa a lancé un appel à projets en 2014 mais les Français conservent une certaine avance
D’où l’intérêt du projet « Salware » qui intervient en amont de la production. Les chercheurs français ne sont pas les seuls à se lancer sur la piste. « La Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency en français Agence pour les projets de recherche avancée de défense) a lancé en 2014 un appel à projets sur des solutions qui permettent de vérifier l’authenticité du circuit », explique Lilian Bossuet. Par ailleurs, la société hollandaise Intrinsic ID propose d’ores et déjà de sécuriser les composants en leur conférant une empreinte microélectronique. « Nous nous distinguons notamment par notre capacité à utiliser le canal électromagnétique de la puce pour émettre dans le rayonnement du circuit intégré une information, par exemple l’empreinte numérique ou le numéro de licence, et ce, de façon extrêmement rapide avec un débit pouvant atteindre plusieurs Mbps », indique le chercheur dont les recherches sont cofinancées à hauteur d’environ 320,000 euros sur trois ans par plusieurs organismes, dont l’Association nationale de la recherche (ANR) et la Fondation de recherche pour l’aéronautique et l’espace (FRAE).
Les nouveaux composants ne seront pas disponibles sur le marché avant 5 à 10 ans
Les recherches encore au stade académique ont déjà abouti à la réalisation de « matériels salutaires » mais 5 à 10 ans de recherche doivent encore être menées avant que des industriels puissent bénéficier des retombées. Pour autant, Lilian Bossuet a entamé un partenariat avec la startup Algodone issue du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) afin de valoriser ses recherches sachant que son partenaire fournit déjà des outils pour gérer les droits numériques et des licences en conception matérielle.
Eliane Kan
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