Il n’est pas rare d’entendre dire dans les directions d’entreprise que la prévention coûte cher. Un avis que le Service aux entreprises pour la santé au travail (Sest) veut faire évoluer. « La prévention est au cœur de notre métier, c’est un même notre cheval de bataille. De ce fait, nous nous sommes interrogés sur la nécessité de démontrer objectivement que la prévention est une affaire rentable », explique Florence Godinho, à la fois ergonome et responsable du pôle Prévention au Sest, basé à Issy-les-Moulineaux (92).
Le ROI de notre action sur les TMS s’est élevé à 1.48 en moins d’un an
« Par exemple, nous sommes intervenus auprès d’un acteur de la grande distribution qui était confronté à des cas de troubles musculo-squelettiques (TMS) dus, entre autres, au port de charges lourdes et aux postures contraignantes liées à la mise en rayon des produits, rapporte la responsable du service. Nous avons convaincu le magasin d’investir dans un chariot équipé d’un plateau à hauteur variable. Par la suite, nous avons calculé le retour sur investissement [Return On Investment (ROI)] pour l’entreprise. » Le calcul s’est basé sur le coût total des chariots auquel s’est rajouté le prix de la formation des salariés. De l’autre côté, une estimation des gains a été réalisée en tenant compte du temps requis pour réaliser l’activité et des mouvements effectués par le salarié. Au final, l’indice de ROI s’est élevé à 1,48 en moins d’un an. Autrement dit, 1 euros investi en rapporte 1,48. L’exposition aux TMS a été réduite. Et, grâce à la mise en place de ces chariots, la productivité a été accrue.
Quand il s’agit de RPS, le retour sur investissement est plus difficile à mesurer
Le pôle prévention du Sest intervient également dans la prévention des Risques psycho-sociaux (RPS). Dans ce cadre, les ergonomes ont pu constater que ces derniers peuvent être étroitement liés aux TMS. « Il n’est pas rare d’observer que, dans les entreprises où les ambiances de travail sont dégradées, les salariés sont plus sujets à l’apparition de TMS, explique l’ergonome. Lorsque nous sommes sollicités par le médecin du travail, le CHSCT ou la direction d’une entreprise à intervenir sur des cas d’absentéismes ou de Turn Over importants, nous sommes souvent confrontés à des cas de salariés exposés aux TMS et RPS. »
Dans de tels cas, l’ergonome essaie de comprendre quels ont été les facteurs déclenchant en recueillant un certain nombre d’indicateurs : la situation financière de l’entreprise s’est-elle tendue ? Son marché devient-ils plus difficile ? « Ces indicateurs sont souvent difficiles à obtenir dans des cas de RPS. En effet, ces derniers sont prioritairement liés à un dysfonctionnement organisationnel », indique Florence Godinho. « Notre objectif est de limiter l’impact de cette situation dégradée et de trouver un langage commun avec l’entreprise en lui montrant en quoi notre démarche peut lui apporter des gains tant en termes de rentabilité et de productivité qu’au niveau de la santé de ses salariés », poursuit l’ergonome, sachant que cette démarche est plus aisée à mener quand il s’agit de traiter des TMS. D’ailleurs, le ROI est beaucoup plus compliqué quand il s’agit de RPS car ces derniers sont la résultante de dysfonctionnements organisationnels sur lesquels les directions n’ont pas forcément envie d’intervenir.
Eliane Kan
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