Éditer du code génétique comme du simple texte ! C’est que ce la simplicité et le faible coût d’outils met désormais à la disposition non seulement de laboratoires de génétique du monde entier mais aussi de »scientifiques de garage », à savoir des amateurs doués d’une certaine habileté intervenant hors des cadres de la recherche académique ou industrielle. En clair, ils peuvent désormais effectuer leurs propres expériences génétiques. De plus en plus précis, ces éditeurs de gènes en kits ont révolutionné la recherche biomédicale au cours des dernières années.
Mais ils portent en germe le risque d’une prolifération d’organismes génétiquement modifiés parasites. De même qu’Internet et les systèmes d’informations sont attaqués par des malwares informatiques, démarre une nouvelle génération de bugs OGM qui pourrait avoir un impact considérable sur la société humaine, dénonce le récent rapport Genome Editing : an ethical review du Nuffield Counsil on Biothics.
Armes bactériologiques de garage
En effet, le rapport soulève que les kits d’édition de gènes, nécessaires pour réaliser des expériences basiques, étaient disponibles pour les amateurs en dehors du milieu universitaire et les laboratoires établis. Pis, cette année, une entreprise a commencé à vendre un kit Do It Yourself (DIY) pour une centaine d’euros à des groupes qui s’intéressent à la biologie de bricolage qui leur ont permis de »bricoler » la bactérie Escherichia coli (E.coli) pour la rendre résistante à l’antibiotique streptomycine ! Autrement dit, cela pourrait être une arme bactériologique inventée dans un garage… Le rapport poursuit en disant que la technologie génétique est devenue si puissante que les nations auraient intérêt à trancher la question de savoir si oui ou non les scientifiques devraient jamais être autorisés à modifier le patrimoine génétique de l’espèce humaine. Même si l’émergence de l’homme génétiquement modifié n’est pas pour demain matin, les risques de modifier le génome d’une personne et de faire passer ces changements aux générations futures sont si complexes qu’ils exigent un examen éthique d’urgence. « Bien que les éditeurs de gènes ont été, la plupart du temps, utilisés dans le cadre de la recherche académique, leurs applications sont potentiellement illimitées », commente Andrew Greenfield, généticien et président du groupe de travail du Nuffield Council.
Risque d’eugénisme libéral
La pratique de l’édition du génome s’est banalisée dans les laboratoires du monde entier. Par exemple, la technique la plus courante, appelée CRISPR-cas9, fonctionne comme une paire de ciseaux moléculaires. Il s’agit essentiellement d’une paire d’enzymes qui peuvent être conçus pour trouver et supprimer un brin spécifique de l’ADN dans une cellule, puis le remplacer par un nouveau morceau de matériel génétique édité. La technologie peut être utilisée pour réécrire non seulement les lettres simples de code génétique mais aussi des gènes entiers. Certes modifier la composition génétique d’un embryon humain et le transplanter chez une femme est interdit au Royaume-Uni et en France. Mais les arguments éthiques en faveur de ces procédés se multiplient. Notamment celui qui vise à empêcher les enfants d’hériter de gènes qui causent des maladies mortelles. Certains craignent le risque d’ouvrir la porte à l’eugénisme libéral où les enfants seront modifiés en fonction des préférences de leurs parents. D’autres, et notamment les biohackers, pourraient être tentés par le désir de »s’auto-augmenter » avec des des brins de gènes provenant d’autres organismes. Par exemple pour améliorer leur vision de nuit et leur sens de l’odorat.
Erick Haehnsen
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