Où en est le marché de la biométrie ?
Dans toute l’Europe, les technologies d’authentification biométrique suscitent un fort engouement. Selon une étude de l’institut de recherche Reportsweb intitulée Biometrics : Market Shares, Strategy, and Forecasts, Worldwide, 2015 to 2021, le marché mondial des solutions biométriques devrait atteindre 44,2 milliards de dollars en 2021 alors qu’il ne pesait que 7 milliards de dollars en 2014. L’utilisation de ces technologies par de grandes entreprises telles que HSBC, Barclays ou TalkTalk participent fortement à leur démocratisation. Pourtant, les utilisateurs se montrent encore souvent frileux au moment d’utiliser ces technologies, par exemple pour procéder au règlement de leurs achats. Cela est bien souvent dû au fait qu’ils ne les ont jamais expérimentées ou qu’ils ignorent leur fonctionnement. Cette méconnaissance alimente les idées fausses et préconçues, jetant le doute sur les garanties de sécurité de cette technologie.
En effet, il existe de nombreuses préoccupations susceptibles d’entamer la confiance des consommateurs. Par exemple, que se passerait-il si quelqu’un m’entend prononcer mon mot de passe ?
Depuis plus de 20 ans, les professionnels de la sécurité recommandent de « ne jamais divulguer son identifiant ni son mot de passe, sous peine de s’exposer à de gros risques. » Énoncer son mot de passe à voix haute pour se connecter par la reconnaissance vocale peut en effet sembler absurde et aller à l’encontre des principes élémentaires de tout utilisateur soucieux de sa sécurité. Cependant, avec la biométrie vocale, plus de cent caractéristiques uniques distinguent chaque empreinte d’une autre, si bien que le mot de passe ne tient plus tant au fond (ce qui est dit) qu’à la forme (comment cela est dit). Le mot de passe devient une des nombreuses caractéristiques de l’empreinte vocale qui se distingue aussi par des caractéristiques physiques et comportementales.
Sur quelles éléments se base la biométrie vocale afin de rendre unique la voix d’un utilisateur ?
Les caractéristiques physiques tiennent à la taille et à la forme des voies nasales, au tractus vocal et même aux mouvements que chacun fait avec sa bouche. Quant à la reconnaissance comportementale, elle porte sur l’accent, la prononciation, le ton ou même le débit de parole. C’est ce qui explique que nul ne peut usurper les droits d’accès d’un individu simplement en entendant son mot ou phrase de passe.
Et cela même si une personne est capable d’imiter à perfection ma voix ?
Quelle que soit la qualité d’imitation de l’imposteur, chaque empreinte vocale est unique. C’est ce qui a été démontré récemment par le magazine Wired qui a voulu comparer les voix de célébrités à des imitations. Dans tous les cas, la biométrie vocale saura déterminer qui est le véritable titulaire du compte.
En cas de rhume ou d’extinction de voix, mon élocution s’en trouvera modifiée. Pourrai-je tout de même me connecter à mon compte ?
Le risque de ne plus pouvoir utiliser sa forme principale d’authentification est une crainte répandue. Imaginons qu’une personne ait perdu sa voix ou que son accent change après s’être installé à l’étranger. Un atout majeur de la biométrie vocale est sa capacité à capturer et à analyser quasiment tous les aspects de l’empreinte vocale si bien qu’une personne lambda enrhumée aura plus de chances d’être correctement authentifiée (94%) qu’avec un code PIN ou un mot de passe (40-60%).
Toujours est-il que certains cyberpirates seraient tout à fait capables aujourd’hui de voler mon empreinte vocale ?
Comme toujours, la crainte du piratage surgit avec le risque que des tiers puissent avoir accès à des informations confidentielles. Le risque zéro n’existe pas : aucune forme d’authentification, par des codes pin, des mots de passe, la lecture d’empreintes digitales ou la reconnaissance vocale ou faciale ne permet de garantir à 100% que des hackers ne pourront jamais obtenir et usurper les données personnelles et d’identification d’un individu. La biométrie vocale offre un avantage supplémentaire par rapport à d’autres formes d’authentification car si un hacker vole l’enregistrement d’une voix, la technologie de détection intégrée vérifie si la source audio correspond à un énoncé en direct ou s’il s’agit d’un enregistrement. D’ailleurs, l’entreprise britannique spécialisée dans la business intelligence Infiniti Research estime que la biométrie vocale permet de détecter 90% des cas de fraude via un canal voix et 80% via une application mobile.
Dernier inconvénient, puisque je ne peux changer ma voix, je ne peux changer de mot de passe !
Certes, votre voix est la vôtre pour toujours mais l’authentification par biométrie vocale suit un processus dynamique qui évolue donc constamment, à la différence de la reconnaissance d’empreintes digitales ou du scan rétinien où l’objet biométrique est statique et pérenne, quasiment sans variabilité. Une empreinte digitale concentre dix marqueurs d’identification possibles – contre deux pour l’iris. La reconnaissance vocale, quant à elle, n’a pas de limite. C’est en connaissant les spécificités de l’authentification biométrique par reconnaissance de la parole de l’interlocuteur que l’on mesure toute la puissance contenue dans le son de la voix. C’est une formidable révolution des pratiques d’authentification qui se prépare car, combinée à d’autres formes biométriques à vocation sécuritaire, comme la reconnaissance faciale, la reconnaissance vocale permet aux entreprises d’appliquer l’authentification plurifactorielle (tel que le numéro d’appel du client associé à son empreinte vocale) sans que les clients aient besoin de se remémorer aucun mot de passe ni code PIN.
Propos recueillis par Ségolène Kahn
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