Deuxième cause de mortalité au travail (après les risques routiers) et troisième cause d’incapacité permanente et d’arrêts de travail, les chutes de hauteur touchent toutes les activités. Mais le BTP en connaît la plus forte proportion. En cause, le manque d’organisation et l’absence de protection collective ou individuelle.
Travailler en haut d’un pylône électrique, du toit d’une maison, d’un échafaudage ou à l’intérieur d’un silo ou d’une cuve… autant d’activités à haut risque pour les opérateurs. Tous secteurs confondus, les statistiques montrent que les chutes de hauteur constituent la deuxième cause d’accident du travail mortel après les risques routiers et la troisième cause d’incapacité permanente et d’arrêts de travail, selon l’Assurance maladie. D’ailleurs, les chiffres ne diminuent pas. Pour le premier semestre 2022, l’inspection du travail a comptabilisé 213 accidents du travail causés par une chute de hauteur dont 23 mortels et 130 ayant entraîné des blessures graves. Alors qu’en 2021, on avait dénombré, sur toute l’année, 421 accidents du travail dont 46 mortels et 249 ayant entraîné des blessures graves.
Dans la ligne de mire du 4ème Plan santé au travail
Lutter contre ce type d’accidents constitue un des enjeux du 4ème PST (Plan santé au travail) pour la période 2021-2025. Parmi les principales causes, figurent le déficit de formation ou d’information du salarié, l’absence d’évaluation des risques et de mesures de prévention. L’analyse de l’accidentologie démontre par ailleurs que les efforts de prévention doivent se concentrer sur des postes à risque. Tels que les ouvriers couvreurs, charpentiers et façadiers d’entreprises de petite taille (de 0 à 20 salariés). Mais aussi les étancheurs, comme le rappellent les auteurs du PST en recommandant de mener des actions de communication et de sensibilisation sur les jeunes et les intérimaires. Mais aussi auprès des cordistes victimes également d’une accidentologie importante due non pas à une défaillance du matériel mais à des modes opératoires connus bien que pas toujours appliqués, comme le souligne Philippe Robart, directeur technique de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP): « Nous allons vers des dispositions mieux ciblées qui pourraient mener vers des évolutions réglementaires. Des travaux sont en cours afin qu’il y ait une adéquation optimale entre le type d’exposition des cordistes (comme le travail de consolidation de falaise ou à l’intérieur d’un silo) et le niveau de protection à déployer. »
Campagne de sensibilisation prévue
Autre sujet de mobilisation pour l’OPPBTP, le travail en toiture, notamment pour la pose de panneaux solaires. Cette activité concerne les couvreurs, charpentiers et électriciens. Autant de corps de métiers qui n’ont pas encore systématisé la mise en place de garde-corps, protections de rive, lignes de vie et harnais. « Or plus d’un tiers des accidents mortels sont liés à l’absence de protection collective ou individuelle », explique le directeur technique de l’OPPBTP . L’organisme a d’ailleurs prévu de refaire une grande campagne de sensibilisation au printemps prochain auprès des entreprises ainsi que des maîtres d’ouvrage (MOA) professionnels avec d’ailleurs l’ouverture en avril dernier d’un site Web dédié. L’enjeu étant de leur rappeler que le maître d’ouvrage est responsable de la prévention des risques tout au long de l’opération de construction.
L’industrie en pointe
Un message bien compris dans le secteur de l’industrie où les entreprises se préoccupent de plus en plus d’assurer la sécurité durable de leur personnel et des intervenants extérieurs. C’est du moins ce qu’observe François Bouvier, directeur général d’Altius France, une entreprise spécialisée dans le travail en hauteur. « Nous réalisons une croissance de plus de 25 % tous les ans », fait savoir François Bouvier qui compte une cinquantaine de salariés dont cinq au bureau d’études. L’entreprise mène de front plusieurs activités. Dont des prestations effectuées par des cordistes, de la formation au travail en hauteur ou de la vente d’équipement. Sans oublier le conseil en ingénierie pour sécuriser le travail en hauteur dans des lieux confinés (par exemple des cuves ou des réseaux d’assainissement) sur des bâtiments ou sur des machines. « Nos clients comprennent mieux les risques et les enjeux liés au travail en hauteur. Ils savent que travailler en sécurité améliore la performance et l’efficacité des opérateurs, reprend le directeur général. Résultat, leurs chefs de projet ont l’habitude de réfléchir en amont à des solutions de protection complètes, durables, ergonomiques et efficiente. » Cette tendance bien ancrée dans l’industrie commence à gagner le BTP avec l’intégration dès la construction du bâtiment, de garde-corps. Voire de rails d’ancrage dissimulés dans les infrastructures afin de faciliter la circulation de nacelles à bord desquelles circuleront les intervenants en charge de la maintenance des ouvrages. A cet égard, Altius France propose également de former les encadrants de chantier afin de préparer en amont les opérations et d’accompagner l’entreprise dans sa conduite du changement.
Eliane Kan
Commentez