Chirurgiens, comptables, peintres, garde malades, conducteur d’engins, VTC… les robots, les objets connectés et l’intelligence artificielle sont appelés à prendre une place croissante dans l’économie mondiale et générale et française en particulier. Ce qui a poussé l’Union européenne à adopter jeudi dernier en séance plénière la résolution portée par la députée européenne Mady Delvaux (groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates), vice-présidente de la commission des affaires juridiques. Une manière, pour l’UE, de démontrer sa volonté d’anticiper les mutations profondes induites par le développement croissant de la robotique et de l’intelligence artificielle, tant dans le monde du travail que de la société civile.
Ne pas limiter le débat aux scientifiques et ingénieurs
« Toutes sortes de robots sont déjà sur le marché, de nouveaux robots plus autonomes sont en train d’être développés dans les laboratoires. Il est donc urgent que le débat le plus large possible ait lieu et qu’il ne reste pas cloisonné dans le cercle des scientifiques et des ingénieurs, car il s’agit d’organiser, pour le bien de l’homme, l’interaction des êtres humains avec ces nouvelles machines de plus en plus autonomes, explique l’eurodéputée luxembourgeoise qui, d’emblée, veut clarifier deux points : Premièrement, les robots ne sont pas des hommes et il n’est pas question de les assimiler à l’être humain, et deuxièmement, l’industrie et la recherche robotique européenne sont très performantes et nous entendons les soutenir. La robotique et l’intelligence artificielle sont des secteurs d’avenir. Il est important que l’Europe reste compétitive sur le marché mondial. C’est pour cela que le moment est venu d’énoncer des principes qui serviront de balises et d’encadrement pour le développement de la robotique. Il faut réglementer, sans excès, lorsque c’est nécessaire. »
Quelle peut être la responsabilité d’un robot ?
Et Mady Delvaux de poser la question de la responsabilité civile en cas de dommage causé par un robot : « Deux options se présentent : soit la responsabilité stricte, soit la gestion fondée sur les risques. Mais l’essentiel est qu’il y ait réparation des dommages causés. Il faut accélérer la standardisation. Pour assurer le plus haut niveau de sécurité possible, il faut établir des protocoles. Pour ce qui est des tests, pourquoi ne pas créer en Europe des zones où toutes sortes de robots puissent être testés en grandeur nature dans la vie réelle ? » Autre défi, appliquer la réglementation sur la protection des données. En effet, les robots collectent et reçoivent des masses considérables d’informations en tous genres. Ce qui soulève encore d’autres questions. Par exemple, à qui appartiennent ces données ? Qui y a accès ? Sur ce terrain, l’eurodéputée propose une charte éthique ainsi qu’un code de déontologie pour les programmeurs. « Car nous voulons des robots dont les actions servent le bien-être des humains et qui respectent la dignité, la vie privée et la liberté. Nous insistons sur la nécessité de la transparence. [Il faut] que les actions des robots soient expliquées et explicables et qu’elles soient compréhensibles pour le commun des mortels », ajoute-t-elle.
La robotique liée au revenu universel ?
Qu’il s’agisse d’applications industrielles dans les ateliers de production et de logistique ou de robotique de service, le déploiement de robots aura des incidences sur tous les aspects de la vie et donc sur le travail. A cet égard, les « études divergent : certains prédisent une destruction massive d’emplois, d’autres sont moins pessimistes et considèrent que les emplois détruits seront compensés par la création de nouveaux emplois. Il est cependant clair que nos manières de travailler changeront et que nos systèmes éducatifs se trouveront confrontés à des défis énormes pour assurer la requalification de ceux qui sont en activité et former des jeunes à des professions qui n’existent pas encore, indique Mady Delvaux qui estime que les robots pourront effectuer des travaux dangereux ou pénibles, faciliteront le travail de beaucoup de professionnels, favoriseront l’intégration des personnes ayant un handicap. Mais personne ne peut prédire si les robots détruiront plus d’emplois qu’ils n’en créeront, souligne-t-elle. Si, effectivement, le travail devient rare, il faut s’assurer que tous nos citoyens disposent d’un revenu suffisant pour vivre une vie digne. C’est la raison pour laquelle je plaide pour un débat rationnel, appuyé par de l’expertise et des études, sur l’option d’un revenu universel et, évidemment, la manière de le financer en cherchant des sources de financement alternatives. Je ne souhaite pas que le débat soit tué avant d’avoir commencé. »
Instaurer une traçabilité des robots
De son côté, le Syndicat des machines et technologies de production (Symop) salue le projet de création d’un cadre éthique harmonisé, dans la droite ligne des conclusions du Livre blanc du droit de la robotique qu’il a édité en octobre dernier. En effet, le syndicat français appelle de ses vœux à la création d’un comité Comité national d’éthique de la robotique et de l’intelligence artificielle, guidé par les valeurs de bienveillance, d’autonomie et de justice. Il est aussi sensible aux dispositions visant à développer un marché sûr, en assurant par exemple une plus grande traçabilité des robots (boîte noire, registre d’immatriculation). Et ce, dans un souci d’amélioration continue de leur performance, constituant ainsi un facteur d’amélioration de la compétitivité et de la productivité. Le Symop insiste également sur la nécessité de maintenir un dialogue continu entre tous les acteurs concernés préalablement à toute initiative législative, afin de préserver et encourager l’innovation :. « Initier un droit des robots, c’est non seulement induire la possibilité que les robots aient des droits mais également faire un pas vers la reconnaissance d’une personnalité juridique. Or, en l’état actuel des connaissances scientifiques, le robot conscient ou véritablement intelligent, au sens humain du terme, n’est que de la science-fiction. » De quoi s’interroger sur la complexité de mise en œuvre d’un statut juridique pour les robots.
Erick Haehnsen
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