Origine étrangère, handicap, apparence physique, grossesse… Comme chaque année, le Défenseur des droits publie un rapport sur les discriminations au travail pour lesquels il est saisi. L’occasion de faire le point sur la situation des droits en France et les blocages que rencontrent les salariés. Publié ce jeudi 23 février, l’édition 2017 indique que les questions de travail et de chômage constituent le deuxième motif de réclamation dans le domaine des services publics, avec 8,9% des saisines, loin derrière la protection sociale (37,8%). En revanche, dans le privé, les discriminations liées à l’emploi représentent plus de la moitié des demandes (50,8%). Au total, en 2016, pas moins de 5 200 réclamations concernant des questions de discrimination (à l’embauche ou au long de la carrière) ont été portées à la connaissance du défenseur des droits. En 2015, on en dénombrait 4 846, soit une hausse de 7,4%. En clair, les principaux motifs de réclamation n’évoluent guère d’une année sur l’autre, rappelle le Défenseur des droits. Ainsi, comme l’an dernier les plaintes concernent d’abord la discrimination en raison de l’origine (9,1%), puis l’état de santé (8,7%) et le handicap (8,2%). Voici les principales situations qui ont alerté le Défenseur des droits.
Origine étrangère : premier motif de discrimination
Lancé au printemps 2016, un appel à témoignages a voulu mieux connaître les expériences de discriminations à l’embauche vécues par les personnes d’origine étrangère. Résultat : elles se produisent « souvent » ou « très souvent » aussi bien pour des recherches de stage que d’emploi. Ainsi 30% des répondants considèrent avoir été discriminés en raison d’au moins un des trois motifs liés à leur origine : leur apparence physique, leur religion ou leur patronyme. Reste que la discrimination à l’embauche vécue par des personnes d’origine étrangère est le premier motif de saisine du Défenseur. Pourtant, face à ces discriminations, les voies de recours au droit peinent encore à être mobilisées. Et les saisines ne trouvent pas toujours de réelles traductions judiciaires. Quant à l’action pénale, elle « reste plus que marginale. »
Des profils aux normes socialement admises
Autre situation préoccupante, dans les recrutements, la conformité des candidats aux normes socialement admises. Tant pour les codes vestimentaires, plus facilement modifiables, que pour les caractéristiques physiques pourtant inaltérables. Avoir une corpulence ou un style « hors normes » constituent des inconvénients majeurs pour être embauché. « Cette discrimination ne touche pas tous les types de population, estime le rapport. Elle est plus fréquemment rapportée par les personnes obèses ou ayant un style vestimentaire atypique, surtout quand ce sont des femmes. » Cependant, le rapport souligne pourtant que e critère d’apparence physique apparaît bien comme un critère qui a pleinement sa place parmi les motifs de discrimination juridiquement prohibés.
Trop de femmes victimes de leur grossesse
Une chose est sûre : les discriminations commises au cours de la carrière affectent en premier les femmes, rappelle le rapport. Notamment lorsqu’elles font part de leur grossesse. « Le cas le plus répandu consiste à ne pas reprendre sur un poste équivalent à celui qu’elle occupait auparavant une femme qui a bénéficié d’un congé parental et sur laquelle pèse désormais une charge de famille », rappelle le rapport. Un fléau constaté même dans les professions libérales. Ainsi le Défenseur des droits confie avoir été saisi par des femmes avocates ayant vu leurs conditions de travail se dégrader à l’annonce de leur grossesse. Pis, « leur contrat de collaboration a finalement été rompu peu de temps après leur retour de congé maternité. » Des poursuites disciplinaires ont été engagées par le bâtonnier à l’encontre du cabinet concerné.
Femmes et handicapées : la double voire la triple peine
Concernant la question du handicap, le Défenseur des droits met en avant un mécanisme de double discrimination, qui concerne les femmes. Si les personnes en situation de handicap sont davantage touchées par le chômage que la population générale, les femmes en situation de handicap le sont encore davantage. « Cette situation de discrimination multiple est encore aggravée par l’âge, lequel constitue également un obstacle important à l’accès à l’emploi », insiste le Défenseur des droits qui s’intéresse aussi au handicap psychique : « L’absence d’aménagement du poste d’un travailleur handicapé physique ou psychique constitue une discrimination qui affecte la carrière [et] est parfois accompagnée de faits de harcèlement moral. »
Une réponse juridique inadaptée
Malgré la loi du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination en raison de la précarité sociale, la loi Travail du 8 août 2016 qui étend la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’issue du congé maternité et enfin la loi de modernisation de la justice qui introduit des recours collectifs, le Défenseur s’inquiète que l’arsenal législatif ne soit pas suffisant. « Il reste à craindre que l’action de groupe ne résolve pas les difficultés », s’alarme-t-il d’autant que ce cadre juridique n’évolue pas dans le bon sens. En effet, les critères de discrimination pullulent : « Entre 2012 et 2017, le législateur en a étendu la liste en créant en moyenne un critère par an pour répondre dans l’instant à diverses attentes […]. En 2017, on frisera la trentaine de critères… Cette profusion fait basculer le concept de critère prohibé de discrimination fondé sur une caractéristique fondamentale de la personne protégée par l’État de droit, vers un inventaire de situations particulières. »
Erick Haehnsen
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