Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Comment les entreprises gèrent-elles la menace terroriste ?

Charlie Hebdo, Air Products, Libération... Ces entreprises ont subi de violentes attaques terroristes en France. Si les mesures de détection d'intrusion et de contrôle d'accès sont relativement efficaces pour le tertiaire et les sites industriels, en revanche, la protection et l'intervention sont encore les parents pauvres de la lutte contre le terrorisme en entreprise.

Jusqu’aux attentats qui ont frappé les journaux Charlie Hebdo et Libération ainsi que le producteurde gaz industriels Air Products à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), le risque terroriste se cantonnait au métro parisien ou aux événements comme le 14 juillet cet été à Nice. Autrement dit, le monde de l’entreprise ne semblait pas concerné. Malheureusement, cette époque est révolue.

Attaquer une entreprise reste difficile
« L’attentat terroriste sur le lieu de travail est un vrai sujet. Ces derniers mois, nous avons donné deux conférences sur ce thème, reconnaît Eric Davoine, président du chapitre français d’Asis International, une association internationale qui réunit des directeurs de la sécurité. Le risque existe mais il est cependant très limité car, pour un terroriste, il y a plus simple que d’attaquer une entreprise avec ses systèmes de détection périmétrique, de contrôle d’accès et de vidéosurveillance. » Du moins en France. Car, souvenons-nous, à In Amenas (Algérie) le groupe des Signataires par le sang, associé à Al-Qaida au Maghreb islamique (ACMI) a attaqué un site gazier co-exploité par BP. De même, Lafarge a dû faire face à Boko Haram à Ashaka (Nigeria) et à Daech en Syrie. « Le danger terroriste vise davantage les intérêts français à l’international que dans l’Hexagone où des unités peuvent intervenir en moins de 20 minutes sur tout le territoire », reprend Eric Davoine.

Aéroports, immeubles tertiaires, sites industriels : les mieux protégés

« Il faut d’abord se poser la question de savoir s’il y a un service de sécurité, qu’il soit intégré ou externalisé, s’interroge explique Richard Tranche, responsable du pôle sécurité d’Atalian, un groupe français de services de propreté, maintenance technique des bâtiments, espaces verts, gestion d’énergie et, bien sûr, de sécurité, qui réalise un chiffre d’affaires de 1,6 milliard 2016 avec 95.000 salariés dans 28 pays. A l’instar des aéroports, il est intéressant de mettre en place un profiling. Il s’agit d’une personne spécialement formée qui détecte les personnes à risque en analysant leur démarche et leurs réactions. Pour l’heure, le profiling est encore limité à la sûreté aéroportuaire mais ce service va se développer dans d’autres secteurs. »

Une gestion des entrées et sorties qui réclame de la rigueur

Tous les acteurs de la sécurité et de la sûreté s’accordent sur un point : pour protéger l’entreprise de la menace terroriste, il faut multiplier les barrières de sécurité en amont du site à protéger. A savoir des barrières physiques avec leur guérite pour le contrôle des entrées de véhicules avec présence humaine, lecture automatique des plaques d’immatriculation assortie d’un système qui reconnaît à la fois le véhicule et son conducteur. « Cela suppose un système de vidéosurveillance qui va faire le lien entre la photo du salarié sur son badge de contrôle d’accès, la plaque minéralogique en base de données et la photo prise par la caméra, détaille Richard Tranche. Mais plus l’entreprise travaille avec des prestataires extérieurs, plus cette gestion réclame de la rigueur. » Autre mesure de sécurité, étendre le contrôle physique de la personne quand elle entre sur le site avec un système de préinscription en ligne des visiteurs ayant pris rendez-vous avec des salariés. Une fois sur place, le visiteur devra également présenter une pièce une d’identité et c’est la personne avec qui il a rendez-vous qui vient l’accueillir. « Ces procédures sont de plus en plus pratiquées », constate le directeur du pôle sécurité d’Atalian.

Postes d’inspection et de filtrage
Bien sûr, dans certains cas, les entreprises peuvent recourir à des équipes cynophiles de sécurité privée. « Aujourd’hui, nous faisons de la détection d’explosifs et d’armes à feu sur des colis et des sacs, détaille Richard Tranche, directeur du pôle sécurité du groupe Atalian. Or, avec deux anciens militaires spécialisés dans la recherche d’explosifs, nous adaptons à la France un concept américain qui utilise des labradors pour détecter des explosifs et armes à feu pas sur les personnes en mouvement. » Les entreprises peuvent également recourir à un Poste d’inspection et de filtrage (PIF) avec notamment un scanner et un portique comme dans les aéroport. Mais, en cas de découverte d’une arme ou d’une bombe, les agents de sécurité risquent d’être les premières victimes de l’attaque. Ils n’ont aucun moyen de riposte ou de protection. Tout au plus, peuvent-ils prévenir le responsable de la sécurité qui, à son tour, va alerter les forces de l’ordre. Bref, la protection et l’intervention sont encore les parents pauvres de la sécurité privée. Surtout en milieux ouverts comme dans les gares ferroviaires ou routières ou encore dans les grands magasins.
En revanche, le PIF est une solution très coûteuse car elle réclame au moins deux agents de sécurité, sachant que la réglementation interdit de travailler plus de deux heures d’affilée sur l’écran du scanner. « Depuis décembre 2015, nous assurons la prestation de contrôle des personnes et des bagages avec portiques et scanners pour le TGV Thalys à la Gare du nord à Paris, confie Richard Tranche. Je confirme que cette organisation fonctionne. Nos agents ont parfois trouvé des armes qui, le plus souvent, étaient des armes de collection. Jusqu’ici, nous n’avons pas vécu de situation difficile. »

Entraîner les labradors à détecter les explosifs
et armes à feu sur les personnes en mouvement
constitue un vrai défi. © Groupe Atalian
Entraîner les labradors à détecter les explosifs
et armes à feu sur les personnes en mouvement
constitue un vrai défi. © Groupe Atalian

Ne pas compter que sur Vigipirate
Mais tous les opérateurs de transport de voyageurs ne sont pas logés à la même enseigne. « Installer des portiques et des scanners pour traiter les bagages à mettre en soute dans les autocars, on en est loin !, soupire Jean-Claude Borel-Garin, directeur de la sécurité de Keolis, un important opérateur de transport de passager dont les conducteurs disposent, outre de vidéosurveillance, d’un bouton d’alerte et d’un système qui fournit en temps réel l’ambiance sonore à bord du bus. Si, demain, une directive nous l’impose, nous mettrons en place des dispositifs de fouille ou de contrôle des personnes et des bagages. »
Le plus souvent les opérateurs de transport de voyageurs s’en remettent à l’opération Vigipirate. De son côté, le réseau de bus Optile, qui rassemble 70 entreprises, 1.000 lignes et 5.000 véhicules pour assurer 1 million de voyages par jour en Île-de-France, est en pleine réflexion. « Nous avons une discussion en cours avec le Syndicat des transports d’Île-de-France (Stif) pour renforcer nos équipes de sécurité, indique Thierry Collé, directeur général d’Optile. Aujourd’hui, les entreprises qui travaillent en lignes régulières pour le Stif ont des contrôleurs mais pas d’agent de sécurité. Du coup, la réflexion porte sur l’idée de déployer sur les réseaux et dans les gares routières une force au moins d’une centaine de personnes. Peut-être un peu plus. »

Erick Haehnsen

A bord de 90% des bus du réseau Optile
se trouve une caméra de vidéosurveillance.
© Optile
A bord de 90% des bus du réseau Optile
se trouve une caméra de vidéosurveillance.
© Optile

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