Dans les mois à venir, les artisans de BTP devront impérativement se munir de leur carte professionnelle afin d’attester de la légalité de leur activité. Une mesure à l’initiative de la ministre de Travail, Myriam El Khomri, afin de lutter contre cette forme de malveillance que constituent le travail au noir et la fraude au détachement, en facilitant l’inspection du travail. Ainsi ce sont près de deux millions de cartes qui commenceront à être distribuées à partir du 22 mars 2017, lendemain de la parution de l’annonce dans le Journal officiel. L’annonce de cette sorte d’outil de contrôle d’accès pour chantiers, qui a été saluée par les fédérations professionnelles du bâtiment, notamment la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb) et la Fédération française du bâtiment (FFB), devrait peu à peu se généraliser. Elle va également nécessiter un déploiement progressif « sur cinq zones » selon la ministre du Travail durant sa conférence du 21 mars dernier. Cette obligation concernera tous les salariés des chantiers, y compris les entreprises de nettoyage, de maintenance des ascenseurs, de l’ameublement etc.
Le BTP grande victime de l’économie souterraine
Alors que le marché noir équivaudrait à 10,8 % du PIB de la France, 7 % des entreprises auraient recours au travail dissimulé, soit a priori 19 % du total des emplois déclarés selon l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). Parmi les secteurs les plus adeptes de cette pratique illégale, le BTP (bâtiment et travaux publics). Selon l’Urssaf, 1 entreprise du bâtiment sur 7 (13,7%) aurait recours au travail au non déclaré. De même, selon Les Echos, 1 salarié sur 8 est concerné. Pour la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, 285.025 travailleurs détachés ont été déclarés en France en 2015, contre 230.000 en 2014 (+ 11 %). Le BTP regroupe plus de 40 % des détachés de nationalités polonaise, portugaise, espagnole et roumaine. Pour cette étude, la hausse du recours au travail détaché est concomitante avec l’augmentation des fraudes. D’après un rapport du Sénat de 2013, de 200.000 à 300.000 travailleurs détachés ne sont pas déclarés.
2.000 euros d’amende
Avec la nouvelle obligation de port d’une carte professionnelle sécurisée, le ministère du Travail devrait donner du fil à retordre à ces adeptes de l’économie souterraine. D’ailleurs, en cas de non présentation de la carte lors d’un contrôle d’inspection du travail, l’entreprise responsable encourt une amende administrative de 2.000 euros par salarié. Une facture qui pourrait même grimper jusqu’à 500.000 euros selon le nombre de personnes non déclarées. Sachant que chaque carte coûtera 10,80 euros et devra être payée par l’entreprise.
Des cartes valables selon la durée du contrat
Pour entrer dans la légalité, chaque entreprise devra créer un compte sur le site Cartebtp.fr afin de commander ou payer une carte et la recevoir. Ensuite, chaque carte n’est valable que durant la période de validité d’un contrat (CDD ou CDI), ou bien 5 ans en ce qui concerne les salariés intérimaires lesquels devront se munir d’un QR code ou générateur de code-barre. Dans le cas de ces fameux salariés détachés, la durée de la carte équivaut à celle du détachement. La conférence organisée ce 21 mars a également été l’occasion pour la ministre du Travail de revenir sur les chiffres relatifs à la lutte contre la fraude au détachement. Selon cette dernière, 2.500 contrôles seraient menés chaque mois sur les chantiers. De même, 33 chantiers auraient été suspendus. « Nous attendons la publication dans les semaines à venir d’un décret, pris en application de la loi Travail, visant à renforcer notre pouvoir en matière de suspension de chantier. Enfin, depuis juillet 2015, nous avons prononcé pour 5,4 millions euros d’amendes. Le tiers d’entre elles vise les donneurs d’ordres », a déclaré Myriam El Khomri. Avec bien sûr, des contrôles plus fréquents, notamment en soirée et en fin de semaine.
Ségolène Kahn
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