A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, les principaux candidats s’affrontent sur les questions de sécurité et de terrorisme. Un thème de prédilection qui pousse certains d'entre eux à avancer de nouvelles propositions. D'autant que les terroristes présumés qui viennent d'être arrêtés à Marseille projetaient de s'en prendre à des candidats...
Il existe un sentiment d’insécurité qui est lié à la menace terroriste pour un tiers des Français, selon le sondage Ifop pour Synopia « Les Français et les enjeux de sécurité » du 12 avril 2017. En cause, la classe politique est accusée de ne pas « vouloir regarder la réalité en face (90%) ou de ne pas avoir la volonté de changer les choses (89%) ». Pourtant, la thématique sécuritaire est au centre des débats, surtout après les attentats de Stockholm, Saint-Pétersbourg, Dortmund et du Caire ces dernières semaines. Et plutôt deux fois qu’une ! En effet, les deux terroristes présumés qui viennent d’être arrêtés à Marseille, Clément Baur et Mahiedine Merabet, projetaient, selon une déclaration de François Molins, procureur de Paris, de perpétrer un attentat probablement sur un ou deux des candidats. Dans l’appartement qu’ils ont loué, les enquêteurs ont trouvé une vidéo dans laquelle apparaît François Fillon. Pour l’heure, nous ne savons pas quelle était la seconde personnalité politique qu’ils visaient. En revanche, ont été prévenues les équipes d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Laquelle doit venir à Marseille dans les prochains jours.
Parmi les nouvelles annonces, Emmanuel Macron avait déclaré lors de sa conférence de presse du 10 avril vouloir recruter 10.000 policiers et renforcer les peines contre les « revenants » d’Irak et de Syrie. Il souhaite également renforcer la coordination entre les services de renseignement, via une « Task Force » directement reliée à l’Elysée et mener une discussion avec les géants de l’Internet à ce sujet. « Il est indispensable que les grands groupes de l’Internet, Google, Apple, Facebook, Twitter, s’engagent à retirer les contenus de propagande islamique sans délai, avance l’ancien locataire de Bercy. L’Internet est devenu un élément essentiel du terrorisme. Il doit donc devenir un élément décisif dans la lutte contre le terrorisme. »
A gauche : rétablir une police de proximité
A la gauche d’Emmanuel Macron, les programmes sont axés sur la lutte contre la délinquance au quotidien, la prévention et le renouveau de la police de proximité ainsi que sur des recrutements importants dans les forces de l’ordre. Pour lutter contre les contrôles au faciès, Benoît Hamon, le candidat socialiste vainqueur de la primaire à gauche, avance l’idée du récépissé de contrôle d’identité. « Je veux qu’on aligne le principe de la rémunération des policiers sur celui des enseignants », a-t-il déclaré. Il souhaite donc la mise en place d’une « prime spécifique » pour les policiers en zone de sécurité prioritaire. Pour renforcer le renseignement, il estime nécessaire de centraliser les services, grâce à un « coordonnateur national, qui demeurera le conseiller du chef de l’Etat, chef des armées, en matière de renseignement, mais sera directement rattaché au Premier ministre », détaille-t-il lors de la conférence de presse du 23 mars à Strasbourg. Le candidat socialiste annonce également vouloir créer 9.000 postes de policiers et de gendarmes, tout en remplaçant systématiquement les départs à la retraite.
Jean-Luc Mélenchon, lui aussi compte recruter 10.000 policiers sur 5 ans, mais ne fait pas de la sécurité une priorité. « La surenchère de la question sécuritaire rend la thématique sociale inaudible, regrette François Pirenne, chercheur, ancien membre de services antiterroristes et responsable du secteur sécurité et lutte contre le terrorisme au sein de La France Insoumise. Pour lutter contre le terrorisme, il faut déjà éviter de stigmatiser certaines populations et certaines religions. » Jean-Luc Mélenchon propose une vision régalienne de la sécurité, véritable colonne vertébrale de l’Etat. Partant du principe que le terrorisme frappe les plus faibles et les plus pauvres, l’objectif est de rétablir un tissu social malmené. « Il faut améliorer la formation des policiers en termes de déontologie et de principes républicains pour reconstruire une relation de confiance », explique François Pirenne. La lutte anti-terroriste se maintiendra à budget constant, sans augmentation d’effectif mais La France Insoumise compte renforcer les moyens de la police financière pour « lutter contre l’évasion fiscale et la délinquance en col blanc. »
A droite : surenchère sécuritaire
« Tolérance zéro, impunité zéro » : le programme du candidat des Républicains donne le ton. « La délinquance est la conséquence d’absence de sanction. La politique de sécurité intérieure que je veux doit d’abord redonner aux forces de l’ordre des moyens accrus et assurer la sanction des délinquants », promet François Fillon dans son projet présidentiel. Pour cela, il souhaite octroyer un milliard d’euros sur la durée du quinquennat à la modernisation des outils destinés à l’efficacité des forces de l’ordre : informatique, véhicules, rénovation de locaux vétustes, constructions de nouveaux commissariats. Il envisage aussi de recruter 5.000 agents opérationnels et de remettre sur le terrain 5.000 policiers ou gendarmes actuellement occupés à des tâches administratives. Comme Marine Le Pen, il propose la déchéance de nationalité à tout Français « parti combattre à l’étranger dans les rangs terroristes », l’interdiction de rentrer sur le territoire national et l’expulsion des étrangers proches des réseaux terroristes.
Le programme de Marine Le Pen met donc lui aussi l’accent sur la lutte contre le terrorisme et sur la délinquance. « Il faut lutter contre la menace terrorisme en aval, grâce à l’application de l’article 411-4 du Code pénal qui condamne à 30 ans de prison tout Français en lien avec une organisation étrangère suscitant des actes d’hostilité ou d’agression contre la France et les Français, affirme Nicolas Bay, secrétaire général du Front National et député européen. Par ailleurs, Marine Le Pen remet en cause les accords de Schengen et veut rétablir les frontières nationales. « Il faut réarmer d’urgence les forces de l’ordre d’un point de vue moral, humain, juridique et matériel », assure, en outre, Nicolas Bay.
La mesure phare du projet de Marine Le Pen, c’est le recrutement de 15.000 policiers et gendarmes, « sur une période courte, 2 à 3 ans » selon le secrétaire général du FN. Problème : la France manque de structure. « Nous n’avons pas les outils pour former plus de 1.200 policiers par an, détaille Marc Ezrati, auteur de Police(s) Des haies d’honneur à la haine anti-flic. En France, on répond toujours à des revendications corporatistes mais on a du mal à proposer une réorganisation profonde du système. Personne ne suggère la création d’un nouveau modèle de police, par exemple. Les candidats ont assimilé le fait qu’ils ne seront probablement élus que pour un unique quinquennat : il faut donc agir vite. »
Caroline Albenois
La sécurité privée, la grande oubliée ?
3 questions à Olivier Duran, porte-parole du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes).
Quelle est la place de la sécurité privée dans la campagne ?
La prise en compte du partenaire privé est décevante. Pourtant, son rôle est déterminant dans un Etat qui n’a pas les moyens financiers pour assurer la sécurité générale du pays. Si la France a réussi l’organisation d’événements comme l’Euro 2016 de football, c’est grâce à l’apport incontournable de la sécurité privée.
Avez-vous tenté de dialoguer avec les candidats ?
Nous avons essayé d’établir des échanges avec En marche ! et Les Républicains mais sans grand succès, hormis pendant les primaires de la droite. Mais le Snes a collaboré avec le think-tank Institut Montaigne, qui a mis sur pieds en septembre dernier un rapport intitulé « Refonder la sécurité nationale ». Nos idées sont passées.
Quelles sont vos propositions ?
Nous souhaitons une meilleure coordination avec la sécurité publique sur le terrain. La sécurité privée devrait être incluse au sein des centres névralgiques décisionnels de grandes manifestations. Les agents de sécurité privée devraient en outre jouir de la même sécurité juridique que les fonctionnaires de l’Etat. Il faudrait aussi lancer un plan de compétences et de compétitivité de la sécurité privée, destiné à la modernisation et à la formation du secteur et financé par le surplus de recettes du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps).
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