Le monde de la mode va devoir tourner une page douloureuse : deux décrets d’applications ont été publiés vendredi 5 mai au Journal officiel afin de « prévenir les troubles du comportement alimentaire » au travail. Dorénavant, les top models devront fournir un certificat médical attestant de leur santé afin d’exercer leur activité. Par ailleurs, à partir du 1er octobre, « il sera obligatoire d’accompagner les photographies à usage commercial de la mention »photographie retouchée » lorsque l’apparence corporelle des mannequins a été modifiée par un logiciel de traitement d’image pour affiner ou épaissir leur silhouette », indique le ministère de la Santé dans un communiqué. Ces deux dispositions « visent à agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes », mais aussi à « protéger la santé d’une catégorie de la population particulièrement touchée par ce risque : les mannequins », commente le ministère. Si ces deux mesures avaient été votées dans la loi Santé de janvier 2016, les textes d’application n’avaient pas été publiés jusqu’à ce jour.
Un certificat médical obligatoire
Délivré par la médecine du travail, le certificat sera obtenu « dans le cadre des visites d’information et de prévention ou des examens médicaux d’aptitude » prévus par le Code du travail, détaille un arrêté. Pour une durée de deux ans maximum, il attestera de l’état de santé du mannequin en fonction de son indice de masse corporelle. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne est considérée comme maigre lorsque son indice de masse corporelle (IMC), qui correspond au rapport entre poids et taille, est inférieur à 18,5. Les employeurs – magazines ou agences – qui ne respecteront pas la loi encourent jusqu’à six mois d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Par ailleurs, cette mesure s’applique aussi aux mannequins d’un autre pays de l’Espace économique européen lorsqu’ils exercent en France. Du côté du Syndicat national des agences de mannequins (Synam), l’heure est au mécontentement et à la crainte que cette disposition « stigmatise les seules agences de mannequins en omettant délibérément d’impliquer les donneurs d’ordres » (marques de luxe et créateurs).
2ème cause de mortalité chez les 15-24 ans
A l’origine, le projet de loi prévoyait un IMC minimal pour autoriser les mannequins à exercer leur profession, il a par la suite été modifié afin de donner une importance plus grande au médecin du travail et d’élargir l’examen à d’autres paramètres. Selon une infographie publiée par l’Express, environ 600.000 jeunes en France sont atteints de troubles du comportement alimentaires, dont 40.000 anorexiques. Ces troubles sont également la 2ème cause de mortalité chez les 15-24 ans après les accidents de la route. Pour enrayer ce phénomène dont il est extrêmement difficile de ressortir indemne, de nombreux pays commencent à réagir. A commencer par l’Espagne, dont Madrid a été la première capitale européenne à prendre des mesures, interdisant en septembre 2006 les mannequins en dessous d’un IMC de 18 de défiler sur le célèbre podium du Pasarela Cibeles.
En Israël, la loi « Photoshop » votée en 2012 interdit de son côté de présenter une publicité avec un mannequin qui semble trop maigre (avec un IMC inférieur à 18,5), d’engager comme mannequin une personne trop maigre ou encore d’utiliser un logiciel de retouche pour montrer un mannequin plus mince que dans la réalité sans le préciser. Enfin, l’Italie, le Chili et la Belgique ont aussi pris des dispositions législatives ou réglementaires allant dans ce sens.
Ségolène Kahn
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