Fedesfi, GES, GPMSE, Sesa et Snarp, les principales organisations professionnelles de la sécurité privée en France viennent de publier une déclaration dans laquelle elles s’opposent à un projet d’ordonnance relative au CNAPS et à la création d’un Conseil d’orientation stratégique. Explication des revendications.
Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (Fedesfi), Groupement des entreprises de sécurité privée (GES), Groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE), Syndicat des entreprises de sûreté aérienne et aéroportuaire (Sesa), Syndicat national des agents de recherches privée (Snarp)…
les grandes organisations professionnelles du monde de la sécurité privée en France, toutes membres du Collège du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et de la Commission nationale d’agrément et de contrôle (CNAC) et des Commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC), ont fait part d’une déclaration commune ce 27 janvier.
Désapprobation de la profession
En effet, le projet d’ordonnance relative au CNAPS, prévue par la loi « Sécurité globale » et le projet de décret y afférent, diffusés le 21 janvier dernier ainsi que le projet d’arrêté relatif à la création d’un Conseil d’orientation stratégique, diffusé à certaines organisations professionnelles le 24 janvier, reçoivent, en l’état, la désapprobation de la profession.
« À de multiples reprises, nous avons eu l’occasion d’exposer aux services du ministère de l’Intérieur, y compris par écrit le 17 janvier dernier, notre diagnostic des difficultés de fonctionnement du CNAPS et les pistes précises d’amélioration possibles, écrivent les présidents des cinq principales organisations de la sécurité privée en France.
Cependant, les échanges ayant eu lieu ces derniers mois, sous l’égide du directeur adjoint de cabinet, du délégué ministériel aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité et du directeur du CNAPS, ont abouti à des projets de texte dont l’orientation finale remet totalement en cause l’esprit du travail engagé depuis plus de 10 ans en matière de régulation du secteur de la sécurité privée. »
La présence des organisations professionnelles mise en cause
Ainsi Fedesfi, GES, GPMSE, Sesa et Snarp soulignent-ils que ces « projets de texte sous-entendent que les difficultés du CNAPS proviendraient de la seule présence, dans ses différentes instances, des représentants de la profession. Ce constat est faux, y compris en relisant le rapport de la Cour des comptes de février 2018.
Le CNAPS n’est pas un ordre mais un établissement public administratif. Les représentants de la profession n’y siègent jamais en majorité et ne le demandent pas. Cependant, ils y sont reconnus comme apportant une expertise essentielle. »
Leur mise à l’écart montre une volonté claire de mettre au pas la sécurité privée, ses entreprises, ses salariés, comme s’ils avaient manqué, ces derniers mois, ces dernières années, à leurs missions essentielles en matière de continuité économique et sociale.
« Il est ainsi incompréhensible d’exclure les représentants de la profession de la régulation, au moment où le ministre de l’Intérieur demande leur mobilisation dans le cadre du continuum de sécurité, au moment où le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur demandent leur mobilisation pour les futurs grands événements, reprennent les organisations.
Dans une profession réglementée, le bon exercice quotidien des missions, que ce soit pour elles-mêmes, pour les grands événements, pour le continuum de sécurité, est indétachable d’une participation, bien calibrée, de la profession à la définition des modalités d’accès et de contrôle. »
Un signal basé sur la défiance
À ce titre, le projet de création d’un Conseil d’orientation stratégique, par arrêté, présidé par le délégué ministériel aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité, réunissant des organisations diverses et variées doit être décorrélé du projet d’ordonnance.
« En effet, le projet d’ordonnance ne prévoyant pas de lien fonctionnel avec le CNAPS, il ne saurait recueillir en l’état notre aval. Nous estimons qu’un tel Conseil ne peut se mettre en place ainsi, et qu’une première étape à un comité de filière serait de mener une réflexion approfondie et plus globale, pointent du doigt les présidents des organisations professionnelles.
Au-delà de la remise en cause totale de la participation de la profession à sa régulation, c’est un signal très négatif envoyé à la profession, basé sur une doctrine de défiance. »
10 ans de continuum de sécurité rayés d’un trait
Le projet d’ordonnance va vers une judiciarisation massive, en deuxième niveau (recours, référés), de la régulation, et donc un embouteillage, induit voire volontaire, de l’institution judiciaire. C’est l’ensemble de la politique publique de régulation conçue au tournant de 2010, pour des raisons à l’époque bien analysées, qui est donc mise à bas.
« C’est l’ensemble du continuum de sécurité, qui est fortement compromis », énoncent les organisations.
L’essence du CNAPS depuis sa création vise à la moralisation de la profession. Si des dysfonctionnements existent encore aujourd’hui dans la sécurité privée, il est incompréhensible de balayer dix années d’évolution à marche forcée du secteur. La transformation du CNAPS en une machine à faire du chiffre au détriment de la sécurité privée n’est tout simplement pas acceptable.
« Nous demandons donc le retour à une véritable concertation et au respect de la lettre et de l’esprit de l’habilitation donnée par le parlement au gouvernement pour prendre cette ordonnance, annoncent les responsables des Fedesfi, GES, GPMSE, Sesa et Snarp.
Nous rappelons ainsi, pour conclure et en synthèse du courrier transmis le 17 janvier dernier, la réforme que nous souhaitons pour un organisme qui doit fonctionner pour le secteur en remplissant ses trois missions (police administrative, mission disciplinaire, conseil et expertise), et non pas l’inverse. »
Liste d’exigences clairement définies
Pour ces représentants, les choses sont claires : ils doivent continuer de participer au Collège/Conseil d’administration du CNAPS et jouer un rôle significatif sur la mission d’expertise et les orientations et la politique de contrôle.
Dans cet esprit, ils réclament un accroissement des pouvoirs exécutifs de gestion du directeur de l’établissement, permettant ainsi au Conseil d’administration de conduire à la fois des réflexions d’ensemble sur l’évolution de la profession et d’élaborer les doctrines et orientations en matière de police administrative et de mission disciplinaire.
Ils plaident également pour la création d’un comité d’experts orientés « métiers » qui seraient force de proposition sur des sujets opérationnels transverses, tel que le contrôle, l’assistance et le conseil aux entreprises, et ayant capacité de transmettre au Conseil d’administration ces orientations.
Mieux répartir les rôles entre CNAC et CLAC
Par ailleurs, Fedesfi, GES, GPMSE, Sesa et Snarp demandent le maintien de la CNAC, autorité indépendante comme instance de recours obligatoire en police administrative et en mission disciplinaire, avec la possibilité d’accroître les sanctions délivrées par les Commissions locales d’agrément et de contrôle (CLAC) et d’établir des standards communs pour les décisions qu’elle rend.
En outre, la profession exige une explicitation juridique du rôle de la CNAC comme instance d’élaboration et de diffusion de la jurisprudence, avec un lien fonctionnel plus important vis-à-vis du directeur pour l’exercice de sa mission de police administrative et des CLAC pour l’exercice de leur mission disciplinaire.
Les syndicats veulent aussi la suppression de la mission de police administrative des CLAC, confiée au directeur de l’établissement ainsi que le maintien de la mission disciplinaire des CLAC. Quitte à réviser leurs modalités de prise de décision ainsi que leurs missions pour développer, dans certains cas, une organisation par pôle de compétences.
Dans tous les cas, ce projet d’ordonnance doit s’inscrire dans une plus grande efficience du CNAPS. Il est capital que ces grandes orientations soient préalablement approuvées par l’ensemble de la profession.
« Il nous revient d’indiquer, poursuivent les signataires de la déclaration, que le secteur de la sécurité privée existe non pas comme un mal nécessaire mais comme répondant légitimement et quotidiennement à des besoins en sécurité de clients (particuliers, entreprises et donneurs d’ordre public). »
Erick Haehnsen
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