Baptisés LTA (Lighter than Air), des dizaines de projets d’aéronefs annoncent un nouveau paradigme logistique avec des ballons dirigeables dont la capacité varie de 10 à 600 tonnes. De quoi booster l’aide humanitaire en cas de catastrophes majeures. Focus sur le projet titanesque russe Aerosmena qui entrevoit, entre autres, des applications de lutte massive contre les incendies géants.
Annoncés à l’horizon 2023-2030, des dizaines de projets de dirigeables émergent dans le monde entier. Dorénavant baptisés LTA pour Lighter than Air (plus légers que l’air), ils sont gigantesques : plusieurs centaines de milliers de m³. De quoi offrir des capacités de fret allant de 10 à 600 tonnes. Citons, entre autres, Atlant de l’israélienne Atlas LTA (jusqu’à 165 tonnes de charge sur 2 000 km à 120 km/h) et le projet français LCA60T entre Safran et Flying Whales (60 tonnes sur 1 000 km à 100 km/h). Sans oublier l’allemand Zeppelin, l’américain Lockheed Martin, le britannique Hybrid Air Vehicle, le chinois Airship Vantage, le brésilien Airship do Brazil et les russes JSC DKBA, DB Krylo, SPCF Aerostatika et IADB Aerosmena.
5 000 km de porte à porte en moins de deux jours
Originalité de cette start-up, elle vise à construire des aéroplateformes de fret en forme de ‘‘soucoupes volantes’’. Ses innovations ne datent pas de la dernière pluie puisqu’elles s’appuient sur les travaux de R&D démarrés en 1991 à l’usine aéronautique Aviastar-SP d’Oulianovsk en Russie avec des équipes de l’Institut d’aviation de Moscou (MAI). À l’instar des montgolfières, ces dirigeables hybrides lenticulaires (donc en forme de soucoupe volante) appliquent le principe du ‘‘ballast thermique’’ : l’air intérieur des ballons est chauffé à 200°C, voire à 250°C, pour rendre l’aéroplateforme plus légère que l’air – à la différence d’un certain nombre de projets, qui recourent à hydrogène ou hélium pour décoller. Arrivés à une altitude maximale de 3 000 m, leur vitesse de croisière atteindra 150 km/h sur une distance allant jusqu’à 5 000 km sans escale, de porte à porte. Soit la distance de Vladivostock sur le Pacifique à La Corogne au Portugal en 33 heures. À condition que la vitesse du vent n’excède pas 126 km/h.
Une énorme capacité pour l’aide humanitaire
Avantage de cet aéronef : « Il permet de réduire un certain nombre d’opérations logistiques de transbordement, groupage-dégroupage car l’aéroplateforme fonctionne indépendamment de l’infrastructure terrestre, assure Sergei Bendin, PDG de la start-up Airship Initiative Design Bureau Aerosmena (IADB Aerosmena), basée à Moscou. C’est-à-dire, sans avoir besoin de ports, de routes, de voies navigables, d’aéroports, de terrains d’aviation, de voies ferrées, de hangars ou de pistes. » Ce qui, en cas de catastrophe majeure, se révèle particulièrement intéressant pour débarquer en un seul vol des conteneurs de vivres, des équipements médicaux et télécoms ou des engins de travaux publics là où il n’existe pas ni route, ni aéroport ni port praticables.
Un aéronef pour déverser des trombes d’eau
La start-up a prévu quatre modèles dont les charges utiles seront respectivement de 20 tonnes (A20), 60 tonnes (A60), 200 tonnes (A200) et 600 tonnes (A600). Tant du point de vue de l’autonomie (5 000 km) que de la capacité de fret, IADB Aerosmena dépasse de loin tous les projets actuels. « 600 tonnes, cela représente 13 poids-lourds de 44 tonnes. Ou 21 conteneurs maritimes de 40 pieds, fait valoir Sergei Bendin. Par ailleurs, le design en forme de « soucoupe volante » rendra le dirigeable plus facile à manœuvrer et à atterrir dans un vent de travers que d’autres projets de dirigeables qui utilisent une forme de coque allongée plus traditionnelle », souligne le PDG d’IADB Aerosmena. Ces dimensions qui ouvrent la voie à de nouveaux moyens de lutte contre les incendies géants que l’on a vu en Australie, en Californie et autour du Cercle arctique ces dernières années. Ils pourraient plusieurs dizaines d’avions bombardiers d’eau en une seule passe.
80 % des travaux de R&D achevés
« À ce jour, nous avons achevés 80 % des travaux de R&D. Nous pouvons commencer à construire les premiers prototypes de charge utile lourde », explique Sergei Bendin qui recherche des investisseurs pour faire décoller son projet. Une fois fabriqués en série, d’ici 4 ou 5 ans (phase de certification comprise), ces dirigeables coûteront de 40 millions de dollars pour l’A20 (20 tonnes de charge utile). Lequel serait considéré comme un prototype pour les modèles plus grands. Dont l’A600 qui mesurera 220 m de diamètre, 50 m de hauteur pour la somme de 75 millions de dollars en série.
Erick Haehnsen
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