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Le blues du manager

Deux scientifiques ont observé que certains employés de la RATP ont subi un phénomène de « blues managérial » lorsqu’ils ont obtenu une promotion. En cause, leur poste précédent ne les prédisposait pas à cette nouvelle activité.

Si, pour la plupart des salariés, décrocher une promotion représente une consécration professionnelle, il arrive que, pour certains, cet événement déclenche une forme de dépression. Un phénomène paradoxal appelé le « blues managérial », en référence au « baby blues » ressenti par des femmes qui viennent d’accoucher. Du moins, c’est ce qu’observe une étude réalisée par Nishani Bourmault, professeure à Neoma Business School et Michel Anteby, professeur à l’Université de Boston. Analysant les diverses réactions de salariés ayant bénéficié d’une promotion professionnelle, l’enquête dévoile un nouvel éclairage sur les transitions managériales et les divergences en termes de vécu.

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Selon l’étude, les conducteurs de métro ayant accédé à un poste de manager ont moins bien vécu cette promotion que les agents de gare promus. © RATP

Une analyse en fonction des emplois précédents

Différences individuelles, manque de compétences managériales, promotion forcée… selon les deux chercheurs, il existe de multiples raisons qui peuvent conduire un salarié accédant à un poste de manager à tomber en dépression. « Toutefois, nous ne savons pas très bien comment les emplois précédents des salariés peuvent influencer durablement leur première expérience en tant que manager », estiment les auteurs. À travers cette étude, le duo a donc analysé les raisons qui pouvaient provoquer des réactions très différentes pour l’accès à des postes de direction pourtant similaires. 

Un sentiment de désenchantement

Normalement, l’accès à un statut de manager représente une expérience très positive. Alors comment expliquer que certains éprouvent ce contre-coup psychologique ? « Notre étude démontre notamment que pour certains salariés leur nouveau rôle de manager revêt beaucoup moins de sens que leurs précédentes fonctions, provoquant ainsi un profond sentiment de désenchantement », souligne Nishani Bourmault. Pour mener à bien leur recherche, les deux enseignants-chercheurs ont interrogé près de 60 managers fraîchement nommés à la RATP, le réseau du métro parisien. Auparavant conducteurs de métro ou agents de station, ces nouveaux superviseurs occupaient des fonctions très différentes, de quoi témoigner d’expériences très variées pour l’étude. 

Conducteur de métro, un métier à risque

Après de nombreux entretiens, les auteurs ont remarqué que les anciens conducteurs de métro, du fait de leur activité même, avaient développé un sens profond de la responsabilité personnelle. « Leurs missions avaient un impact direct sur la vie des passagers. S’agissant d’un travail solitaire, il était impossible pour eux de pouvoir se reposer sur leurs collègues pour détecter leurs erreurs ou les aider en cas de situation critique », précise Nishani Bourmault. En passant manager, ces derniers ont vu leur mode de travail changer du tout au tout : ils ne sont plus confrontés à des enjeux de vie et de mort et travaillent davantage en équipe. « N’ayant plus l’impression de faire quelque chose de vraiment important, les anciens conducteurs étaient nombreux à exprimer leur envie d’abandonner leur nouveau rôle de manager. Et ce, quasiment dans la foulée de leur promotion », poursuit Nishani Bourmault.

Les agents de gare plus disposés à devenir managers

À l’opposé, les anciens agents de gare, dont les missions précédentes n’impliquaient pas de tels sentiments de responsabilité personnelle, n’ont pas souffert de ce sentiment de perte. Ils ont donc pu s’épanouir plus facilement dans leur nouveau poste de manager. « Les anciens conducteurs, comme les anciens agents de gare, ont volontairement accepté de prendre un poste de direction et ont d’ailleurs suivi des programmes de formation similaires pour accéder à leurs nouvelles fonctions. Pourtant, une fois nommés, ils affichent une expérience managériale relativement éloignée », souligne Nishani Bourmault. Autant d’observations qui, selon les auteurs, pourraient aider les entreprises à mieux préparer en amont, les transitions professionnelles de leurs collaborateurs. 

Ségolène Kahn

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