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Santé et qualité de vie au travail

Qualité de vie au travail : qui sont les plus heureux et les plus malheureux ?

Une vaste enquête menée par la Fabrique de l'Industrie tente d'établir les liens entre la qualité de vie au travail, les secteurs d'activité et les rapports hiérarchiques. Il en ressort que les employés les plus heureux sont les ouvriers de l'industrie et les actifs des services peu qualifiés pour lesquels le seul fait de posséder un travail serait une source de bonheur en soi.

Quels sont les secteurs d’activité où il fait le mieux vivre ? Une question à laquelle s’est penchée La Fabrique de l’Industrie, un laboratoire à idées qui vient de publier une étude d’envergure sur les conditions de vie au travail en dressant des portraits types des actifs afin d’établir les facteurs de bien-être ou au contraire de malaise. Pour cela, les chercheurs se sont tout d’abord basés sur des conditions de travail objectives telles que le temps de travail, la rémunération, l’activité exercée, puis en fonction de données plus subjectives afin de définir le ressenti au travail (bien-être, tensions, sentiment d’être plus ou moins bien rémunéré). Il en ressort que l’un des facteurs déterminants de la qualité de vie au travail résiderait dans l’impact des tensions avec la hiérarchie.

La méthode
Pour mener à bien cette enquête, les chercheurs se sont basés sur les données de l’enquête datant de 2013  »Conditions de travail » de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail. Menée auprès de 33.673 actifs, cette étude est réalisée tous les sept ans depuis 1978. Elle comprend 516 questions portant sur divers aspects de la vie au travail avec d’une part des questions objectives sur les conditions de travail et, de l’autre, des questions relatives au jugement.

8 profils-types
Tout d’abord, les chercheurs ont défini huit profils-types de travailleur à savoir les indépendants, ceux qui travaillent pour des services peu qualifiés, les immigrés, les ouvriers, les cadres du secteur privé ou encore les employés du secteur public, de la santé et, enfin, les personnes ayant subi un accident du travail. Le but étant de trouver des corrélations entre leur domaine d’activité et leur statut. De ces actifs, les chercheurs ont également recoupé six profils définis selon leur ressenti au travail : il y les travailleurs seuls, ceux qui sont heureux au travail, ceux qui ont subi un changement de l’organisation de leur travail, ceux qui n’ont rien à signaler… jusqu’à ceux qui se disent « stressés », se distinguant par l’origine des tensions ressenties (avec la hiérarchie ou les collègues). D’un point de vue sectoriel, le profil des travailleurs isolés est particulièrement représenté dans le secteur de l’agriculture, celui du salarié heureux, plus homogène, se retrouve plus particulièrement dans l’hébergement, la restauration et la construction. En ce qui concerne les profils qui subissent des tensions hiérarchiques, on les retrouve surtout dans le secteur des transports et des industries agroalimentaires.

La qualité de vie au travail
Pour mesurer la qualité de vie au travail (QVT), les chercheurs se sont basés sur les travaux académiques de Davie, lesquels déclinent la QVT en neuf dimensions à savoir les rapports sociaux, l’autonomie, les exigences émotionnelles, l’intensité du travail, les contraintes horaires et l’organisation du temps de travail, les contraintes physiques, la reconnaissance, l’insécurité économique et les conflits de valeurs. Sans surprise, il en ressort que les actifs souffrant de tensions avec leur hiérarchie ont également la plus mauvaise qualité de vie au travail. Leur indice de bien-être au travail selon l’OMS est bien inférieur à la moyenne : 10,3 contre 15,7. « A contrario, ceux qui ressentent des tensions avec leurs collègues ont un indice de bien-être conforme à la moyenne de la population. Ces tensions semblent acceptables par l’individu », précise le rapport.

Ceux qui souffrent le plus
Au-delà de ces critères basés sur le ressenti, certains profils-types présentent des conditions de travail particulièrement mauvaises. A commencer par les accidentés, soumis à de très fortes contraintes physiques, des conflits de valeurs mais aussi une forte intensité au travail et une faible autonomie. Les professionnels de la santé font également l’objet de conditions de travail particulièrement difficiles : avec des situations émotionnelles critiques et des contraintes de travail largement supérieures à la moyenne telles que les horaires de nuit ou le week-end, la pression du travail dans l’urgence mais surtout l’exposition à la maladie et à la mort. « Leur niveau de qualité de vie au travail est préoccupant. Les conditions de travail souvent difficiles des travailleurs de la santé ont fait l’objet de nombreuses recherches et semblent s’être aggravées récemment, suite à différentes vagues de réorganisation mettant l’accent sur des critères plus stricts de productivité et d’efficience », ajoute le rapport.

Qui sont les individus les plus heureux ?
S’ils ont en commun d’être fiers de leur entreprise (72%) et de partager le sentiment de ne pas être exploités (83%), les individus les plus heureux au travail sont également moins bien payés que la moyenne de la population totale (1.753 euros nets mensuels contre 1.877 euros) tout en ayant le sentiment d’être justement rémunérés. Comme quoi, ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur mais le sentiment d’être bien payé… Dans ce cadre, qu’on le croie ou non, ce sont les ouvriers de l’industrie et les actifs des services peu qualifiés qui présentent les proportions d’individus les plus heureux au travail ! Et le rapport d’expliquer: « Pour ces deux populations plus exposées au risque de chômage, le fait d’avoir un emploi est une source de satisfaction potentiellement plus grande que pour les actifs d’autres catégories (cadres par exemple). »
De même, les profils ouvriers, immigration et services peu qualifiés comportent eux-aussi de fortes proportions d’actifs heureux. Pour comprendre ce résultat qui semble paradoxal, les chercheurs plaident pour la théorie de « l’économie du bonheur » qui a montré que les liens entre richesse matérielle et satisfaction personnelle sont plus ténus que la théorie économique classique ne le prévoirait. Ainsi, selon la théorie de la satisfaction relative d’Easterlin, qui date de 1974, un individu n’évalue pas son bien-être dans l’absolu mais par comparaison aux autres. Donc, les profils cadres privés et publics pourraient donc voir leur taux de satisfaction baisser en fonction de leurs ambitions et de leurs avancées dans l’échelle sociale.

Ségolène Kahn

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