Quel a été votre parcours pour devenir préventeur ?
J’ai fait l’ensemble de mes études en alternance dans une multinationale de traitement et valorisation des déchets. Tout d’abord, j’ai passé un DUT en hygiène, sécurité et environnement à l’université de Bordeaux 1 avant de suivre un cursus de qualiticienne à l’école d’ingénieur Hubert Curien à Bourges.
Quel rapport établissez-vous entre qualité et prévention des risques professionnels pour la sécurité et la santé au travail (SST) ?
Il y a un lien très étroit entre qualité et prévention. Durant mes projets en SST, je me suis rendue compte qu’il me manquait un socle de connaissance de l’organisation en entreprise : la qualité, la conduite du changement, la stratégie et les relations humaines… Comme l’humain est le cœur de la SST, j’ai choisi de poursuivre mes études sur le terrain de la qualité. En parallèle, je me suis inscrite à des modules de formation en développement personnel et en communication intra et inter-personnelle afin de mieux aborder les relations humaines dans les organisations. Mon objectif était de mieux appréhender les relations humaines dans les organisations afin de mener efficacement les projets QSE. En effet, quand on est préventeur, on se doit de convaincre et de faire adhérer l’ensemble des collaborateurs, managers et direction générale à la culture SST. De plus, avoir des notions en communication non-violente aide réellement à la gestion des conflits auquel un préventeur est régulièrement confronté.
Avez-vous eu l’occasion de mettre ces connaissances en pratique ?
Dès la fin de mes études. J’ai piloté un projet en Santé et qualité de vie au travail (SQVT) au sein de la multinationale qui m’avait accueillie pour mon alternance, au niveau de la région Aquitaine Nord, société faisant partie du Réseau SQVT Nouvelle-Aquitaine. Ce réseau a été créé en 2012 par l’Afnor et la Carsat Aquitaine, en s’inspirant des expériences du Québec en la matière. Nos confrères s’étaient rendus compte que, pour chaque dollar investi en santé au travail (nutrition, sevrage tabagique, pratique du sport…), l’entreprise obtenait un retour de 1,5 à 3 dollars. Un argument très convaincant ! Après mon diplôme, j’ai quitté cette entreprise pour travailler pendant un an en tant que responsable SST dans un centre de services des RH de la filiale sud-ouest d’un groupe national français de services, où je me suis occupée de la conduite du changement et des risques psychosociaux (RPS). Aujourd’hui, je suis responsable du développement SST pour la Nouvelle-Aquitaine chez un fabricant international de matériaux de construction. En parallèle, je donne des cours au CHU de Bordeaux sur les questions de diagnostic et d’innovation en SST et QVT.
Qu’apporte le réseau SQVT Nouvelle-Aquitaine ?
C’est un réseau pluridisciplinaire composé d’une cinquantaine de structures (publiques, privées et universitaires) qui permet, via les différents corps de métier de la prévention, de partager nos retours d’expérience et nos bonnes pratiques en gouvernance et SQVT. Nous nous faisons grandir les uns les autres en fonction de nos compétences et des projets que nous avons menés. Nous nous épaulons et nous entraidons. Et nous avons comme objectif commun de développer les démarches SQVT au sein des organisations de la région Nouvelle-Aquitaine.
Quel doit être le rôle du préventeur en interne ?
Un de ses enjeux consiste à enlever l’émotionnel d’une situation conflictuelle en expliquant de manière objective à la direction générale quels sont les besoins du collectif. En réalité, il peut y avoir un ensemble de problèmes faciles à régler et à moindre coût. Ce qui permet de réconcilier la direction générale et les salariés. Lesquels pourront alors réaliser un travail de meilleure qualité dans des conditions de SST satisfaisantes. L’apport du préventeur en interne est donc rentable, à condition de pouvoir compter sur l’engagement de la direction générale de l’entreprise sur le long terme.
Quelles sont les thématiques qui reviennent le plus souvent dans la recherche de co-construction des conditions favorables à la SQVT ?
Le manque de reconnaissance que la haute direction va donner aux salariés lorsque celle-ci ne rend pas visite à ses équipes ou, oublie de les remercier pour leurs efforts durant une semaine particulièrement chargée…. Le manque de reconnaissance existe aussi par rapport à d’autres services : chacun croit que le sien est le moins reconnu… Les choses sont complexes car autant les salariés ressentent ce manque de reconnaissance, autant, à l’issue de l’audit, ces même salariés parlent de la reconnaissance qu’ils retirent de leur manager de proximité. Autre aspect important, ce besoin de reconnaissance n’est pas forcément financier. C’est lorsque les problèmes empirent que la revendication va faire surface sur le terrain pécuniaire. Comme pour compenser…
Le nouveau contexte législatif lié à la loi Travail, en cours d’élaboration, risque-t-il d’amoindrir les politiques de prévention (C3P, médecine du travail…) et de réduire le rôle du préventeur ainsi que des instances représentatives du personnel (CHSCT…) ?
Il faut être vigilant tout en faisant confiance à l’avenir. L’important sera que l’ensemble des acteurs de santé en entreprise améliorent leurs échanges pluridisciplinaires et que l’on remette le travail au cœur du débat. Sinon, il y aura de quoi être pessimiste.
Propos recueillis par Erick Haehnsen
L’Atelier des Préventeurs est le nouvel événement imaginé par les organisateurs d’Expoprotection en partenariat avec l’Assurance Maladie – Risques professionnels. Le 5 octobre prochain se tiendra la première édition sur le thème : « Comment faire adhérer l’ensemble des collaborateurs aux bonnes pratiques de prévention ? », avec 4 ateliers articulés autour de retours d’expériences d’entreprises et d’experts. Pour en savoir plus, suivez ce lien.
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