Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

L’IA fait son show dans la vidéo

L’intelligence artificielle envahit les caméras, stockeurs, serveurs, VMS et autres superviseurs en vidéoprotection et vidéosurveillance. Seconde partie de notre enquête sur les applications concrètes qui fonctionnent sur le terrain.

Détection d’anomalies en temps réel, aide à la décision, comptage de personnes, détection de postures, interfaces ergonomiques, détection des armes à feu en environnement urbain, classification automatique des menaces… l’IA n’est plus une bête de laboratoire. Certes, on ne la trouve pas encore en standard dans tous les équipements de vidéosurveillance et vidéoprotection mais son adoption s’accélère. Comme nous l’évoquions dans la première partie de cette enquête, 41 % des caméras devraient, en 2024, embarquer des applications à base de Deep Learning, selon une étude de Panasonic Business.

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Encore en cours de test en grandeur réelle, la solution d’Evitech détecte, grâce à l’IA, des agressions par arme à feu en environnement urbain. © Evitech

Détecter les agressions par armes à feu

En témoigne le français Evitech qui apporte sa pierre à cette évolution. En 15 ans, cet éditeur a propagé ses logiciels de détection d’intrusion, détection de départ de feux ou de fumée, de comptage de flux et de personnes ainsi que d’analyse comportementale dans plus de 20 000 caméras ! Depuis 2018, la PME participe au projet recherche collaborative Draaf soutenu par la Direction générale de l’armement (DGA). Objectif : détecter les agressions par armes à feu en environnement urbain (gares, aéroports, grands événements…). Destiné à être installé sur le réseau existant de caméras de vidéosurveillance d’un espace public, l’algorithme d’Evitech alerte le PC de sécurité le mieux placé pour accélérer la réponse des forces de l’ordre.

Besoin de mener des expérimentations en grandeur réelle

« Aujourd’hui, le temps d’intervention dépasse généralement les 20 minutes », constate Laurent Assouly, directeur marketing d’Evitech qui, pour l’heure, n’indique pas à quel point sa technologie permet de réduire de le temps d’intervention des forces de l’ordre. Mais l’intention est là. Grâce à la baisse du coût des processeurs graphiques (GPU) et à leur montée en puissance, la solution d’Evitech gère jusqu’à 40 flux vidéo en temps réel sur un seul GPU de type Nvidia RTX 2080. « Nous obtenons une détection proche de 100 % sous un délai de quelques secondes pour un nombre de faux positifs très bas, à confirmer lors d’essais à long terme prévus cette année », expliquait Laurent Assouly lors d’une table ronde organisée en mars dernier par l’AN2V.

Reste qu’une approche trop simple n’est pas viable pour obtenir des résultats performants. En effet, la résolution des caméras, l’éclairage, la bande passante du réseau sont souvent sous-dimensionnés. Ce qui complique l’apprentissage des algorithmes d’IA. D’où l’importance de poursuivre le déploiement de tests pertinents sur des sites représentatifs. À condition que des clients s’engagent… À cet égard, les expérimentations de Draaf devraient se dérouler pour Evitech au moins dans une gare au second semestre de 2021.

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Le système de HGH est capable d’automatiser la classification des menaces à partir des images de ses caméras Spynel. © HGH

Automatiser la classification des menaces

Evitech n’est pas seule à travailler dans la détection des menaces. Le français HGH lui emboîte le pas avec l’intégration de modules de Deep Learning à Cyclope. À la base, ce logiciel traite les flux provenant de ses propres caméras panoramiques infrarouges Spynel utilisées pour surveiller les infrastructures critiques, les bases militaires et les côtes ainsi que pour les applications navales à travers le monde. Sur l’interface, l’option de classification automatique affiche automatiquement un signet sur la menace, avec une icône spécifique la représentant ou avec une légende en toutes lettres. « Au-delà de la classification automatique, Cyclope permet aussi, en cas de comportements anormaux détectés, d’automatiser le déclenchement de certaines actions de sécurité : alarmes, e-mails, allumage de projecteurs… », précise Cyril Marchebout, responsable commercial chez HGH.

De son côté, la start-up Videtics, créée en mars 2019, détecte les menaces sur tout type de caméras (visibles, thermiques, infrarouges). « Nous sommes des spécialistes de l’architecture et de l’optimisation des réseaux de neurones qui sont le fondement de l’apprentissage machine et de l’apprentissage profond », confie Alan Ferbach, cofondateur de la société avec Alexandre Reboul et Pierre-Alexis Le Borgne. La société a optimisé une importante installation de sécurité qui présentait jusqu’à 250 fausses alarmes par jour ! Comme le gardien, doté d’une application de sécurité sur mobile, était obligé de se déplacer à chaque fois, le système de sécurité avait été débranché ! « Avec un seul serveur, nous avons pu comprendre ce qui se passait afin de ne déclencher que les alarmes pertinentes. Lesquelles sont tombées à deux par semaine », souligne Alan Ferbach.

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Les caméras de la série 7 de chez Mobotix embarquent en standard des modules d’IA. © Mobotix

Des écosystèmes de partenaires technologiques

À l’instar de HGH, la majorité des constructeurs de caméras, enregistreurs, et serveurs éditent des VMS (Video Management System). Forts de cette compétence, ils se sont presque tous mis à développer leurs propres algorithmes IA. Mai assez timidement. Mobotix par exemple, a ainsi lancé A.I Tech, un extracteur d’information embarqué dans les caméras de sa série 7 qui sert à des fins d’alerte ou de statistiques pour des applications dans la grande distribution, les ERP, l’industrie manufacturière ou la Smart City. « Nous sommes éditeurs de logiciels, reconnaît Patrice Ferrant, responsable commercial chez Mobotix pour la France ainsi que l’Afrique du nord et de l’ouest. Mais nous avons développé une vingtaine de partenariats technologiques pour diffuser des applications tierces d’IA. » Citons ainsi pêle-mêle Kopp dans l’analyse vidéo ; FF Group, Sigmoid, ValeoIT et Vaxtor dans la lecture de plaques minéralogiques ; Herta et Safer (reconnaissance faciale et de port de masque), Bleenco (lecture de température…

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À l’instar de la majorité des constructeurs, le leader HIKvision propose aux éditeurs tiers d’applications d’IA de rejoindre sa plateforme de partenariat technologique. © HIKvision

L’essentiel du catalogue d’IA provient d’applications tierces

Même modestie, pour l’heure, chez le leader mondial HIKvision qui a développé trois applications d’IA. « Nous avons tout d’abord des algorithmes assez simples qui commencent par faire de la reconnaissance automatique d’êtres humains ou de voitures dans une scène. Puis, plus complexes, des algorithmes de lecture de plaques d’immatriculation mais aussi de reconnaissance de véhicules (forme, marque, modèle, vitesse, sens de déplacement… », explique Jean-Marie de Troy, directeur commercial chez HIKvision pour la France. Enfin, le ténor chinois a développé des modules d’IA qui décrivent une personne (sexe, habits, position, âge relatif, port d’accessoires…). Notamment pour détecter si elle porte correctement ses EPI. Ou si elle gît sur le sol. Très utile dans les ateliers industriels et les entrepôts logistiques afin de déclencher les secours. S’inspirant de la stratégie initiée par Axis Communications, le constructeur invite les développeurs tiers à rejoindre son programme de partenariat technologique HEOP (HIKvision Embedded Open Platform). « Nous fournissons un kit pour le développement logiciel (SDK) et un support pour aider l’éditeur à valider son produit, reprend Jean-Marie de Troy. En matière d’IA, nous avons ainsi accrédité une vingtaine d’éditeurs en France. Ce sont les distributeurs et les intégrateurs qui commercialisent leurs solutions. » Et rien n’empêche un éditeur de se faire accréditer auprès de plusieurs constructeurs.

Erick Haehnsen

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