Quelle est aujourd’hui la problématique du travail posté dans les services d’urgence des hôpitaux en France ?
D’après la directive européenne de 2003 sur l’aménagement du temps de travail (2003/88/CE), le travail posté correspond à « tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ». Or il est bien connu que ses effets sont délétères sur la santé des travailleurs.
Cependant, les services d’urgence doivent impérativement assurer la continuité des soins…
Oui mais les conséquences de l’organisation mise mise en œuvre paraissent contraires à l’amélioration de la qualité des conditions de travail et des soins. Les personnels médicaux urgentistes sont épuisés. Certains quittent le milieu hospitalier. D’autres subissent des conséquences physiques et psychiques. Ils souffrent aussi de la comparaison avec les personnels des autres services susceptibles de considérer à tort qu’ils ne travaillent pas autant qu’eux. Or il semblerait que ce régime du temps de travail des médecins urgentistes ne réponde pas aux exigences de la directive 2003/88/CE et au décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail dans la fonction publique hospitalière
Pour quelles raisons ?
La dissociation entre « temps de travail clinique posté » et « temps non-posté » (participation à la vie collective et institutionnelle) est contraire à la définition de temps de travail de la directive 2003/88/CE et à la définition du temps de travail effectif du décret n° 2002-9. Pendant les activités de service « non-posté », les médecins ne sont pas libres de vaquer à leurs occupations personnelles. Ils doivent toujours être à la disposition de leur employeur et se conformer à ses directives. Par ailleurs, l’absence de plafond annuel relatif au nombre d’heures maximum de travail n’est pas conforme à la directive 2003/88/CE ni au décret n°2002-9. L’aménagement du temps de travail doit donc respecter les impératifs de protection de la santé des travailleurs.
Que dit la réglementation sur les temps de repos ?
La directive 2003/88/CE et le décret n°2002-9 disent que la dissociation entre « temps posté » et « temps non-posté » est contraire au droit du temps de repos. Les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ne sont pas respectés ainsi que les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail applicables à la fonction publique (obligations de l’employeur de sécurité et de prévention. L’obligation de réaliser 39h00 de temps posté pour être rémunéré à temps plein en plus des activités de service non-postées entraîne une « course au temps posté » entre collègues qui rend le climat de travail délétère et crée de la surcharge de travail. À nouveau, les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ne sont pas respectés.
Que préconisez-vous ?
Les indications administratives de conduite à tenir visant l’aménagement du temps de travail dans les services d’urgence doivent être conformes au droit du temps de travail. Même concernant des activités rendues spécifiques par le principe de la continuité des soins. Cette interprétation rejoint celle de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations dans les trois fonctions publiques qui dispose que « des conditions d’hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail » (art.23).
Propos recueillis par Erick Haehnsen
Commentez