Pour sa 20ème édition, le salon Milipol Paris a ouvert ses portes ce mardi 21 novembre à Paris-Nord Villepinte et ce, jusqu’à vendredi prochain. Organisé sous l’égide du ministère de l’Intérieur, cet événement rassemble tout l’écosystème des acteurs internationaux (publics ou privés) de la sécurité et de la sûreté. À cette occasion, les organisateurs de Milipol ont présenté les grandes tendances du marché de la sécurité dans le monde et en France. Cette étude a été réalisée sur la base de l’Atlas économique 2017 que publie chaque année le magazine En Toute sécurité. Cette analyse montre que, du fait de l’accroissement des menaces, les professionnels de ces secteurs enregistrent sur l’Hexagone une progression de leurs ventes depuis deux ans. Soit +4,3% en 2015 et +4,2% en 2016. Cette croissance se développe même à un rythme nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années (+3,3%).
Une croissance mondiale de +8,3 % en 2016
L’activité française n’est pas la seule à connaître une telle amélioration. « Le marché mondial de la sécurité vit au rythme des attentats perpétrés dans les divers pays visés par les terroristes », déclare Patrick Haas, directeur des publications En Toute Sécurité, spécialiste de l’analyse stratégique sur la sécurité. Autre facteur de développement pour le marché de la sécurité, l’embellie de l’économie mondiale qui a progressé de +3% au premier semestre. Il s’agit du score le plus haut enregistré depuis deux ans. Grâce à quoi, le marché mondial de la sécurité a connu une accélération de ses dépenses en 2016, soit 549 milliards d’euros contre 507 milliards en 2014. Preuve que la sécurité privée est étroitement liée au PIB des États. Plus ce dernier est élevé et plus les États feront des investissements en sécurité (protection d’usines, de bureaux ou de sites stratégiques). Ainsi, depuis 2015, la croissance mondiale reprend le rythme des années 2000-2008 (environ +7%) et dépasse même ce cap en 2016 avec un taux de +8,3%.
L’Europe derrière l’Asie, le Moyen-Orient et les États-Unis
Les prochaines années devraient se situer sur cette lignée avec une croissance de l’ordre de 9% globalement, qui se vérifie pour chaque région. Le marché européen est handicapé par une croissance poussive de la part de certains pays membres si bien qu’il progresse moins vite qu’en Asie, où l’économie est plus dynamique. Cette région représente actuellement une part de 26% dans les dépenses mondiales contre 25% pour l’Europe et son cas est assez paradoxal : le poids de ses dépenses diminue considérablement en quinze ans (moins dix points) par rapport aux autres régions alors qu’elle est particulièrement visée par le terrorisme ces dernières années. Quant à l’Amérique du nord, elle a très légèrement perdu du terrain (43% en 2001 contre 39% en 2016), mais elle conserve sa première place en raison du poids considérable de son économie et du fait que la sécurité soit considérée comme une priorité absolue par les autorités depuis les attentats du 11 septembre 2001.
26,5 milliards d’euros en 2016 pour le marché français de la sécurité
Concernant le marché français de la sécurité globale, rappelons que la profession a enregistré de bons résultats en 2016 mais ceux-ci émanent de facteurs exceptionnels liés aux attentats et à l’Euro 2016 qui risquent de ne pas se reproduire à l’avenir. Les performances enregistrées ne se sont pas retrouvées à la hauteur des espérances, le marché pris au sens large (sécurité électronique et physique, cybersécurité, gardiennage, sécurité intérieure, serrurerie, anti- incendie, etc.) a enregistré une croissance de +4,2% seulement, marquant une légère baisse par rapport à 2015 (+4,3%) pour atteindre un CA de 26,5 milliards d’euros, selon les statistiques publiées dans l’Atlas d’En Toute Sécurité qui recense les résultats financiers de plus de 1.600 sociétés. Ce score se situe au-dessus de la moyenne de ces dix dernières années qui s’établit à +3,1%, mais reste nettement inférieur aux performances de la période 1995-2000 durant laquelle la moyenne était à +6,5% de croissance.
2018 année probablement médiocre
Pour 2017 et 2018, plusieurs éléments incitent à la plus grande prudence. « On pourrait bien s’acheminer vers des performances très mitigées en 2017 et probablement médiocres en 2018 », souligne Patrick Haas. L’augmentation de l’activité a été un test réussi pour la profession de la sécurité privée qui a été reconnue comme un acteur à part entière par l’État. Les voyants passent donc au vert dans un environnement réglementaire très favorable mais pour ce qui est de l’environnement économique, la sécurité privée va rencontrer des difficultés. En effet, d’après le sondage d’En Toute Sécurité, les directeurs sécurité estiment avoir largement investi en matière de sécurité au cours des années 2015-2017. Ils se prononcent donc pour une pause dans ces dépenses, voire même pour leur baisse : 42% d’entre eux prévoient une diminution de leur budget sécurité en 2018 et 40% seulement une hausse.
A ce sujet, Stéphane Volant, président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), déclare : « Il est vrai que certaines entreprises ont remis à niveau leur sécurité depuis 2015, si bien que des investissements n’ont pas lieu d’être reconduits. Néanmoins, dans certains domaines, comme celui de la cybersécurité, nous partons de tellement loin qu’il est vraiment nécessaire de continuer à investir. Il faut repenser le process et remettre à plat le coût de la sécurité. L’efficacité réelle des dépenses doit être prise en compte, notamment en adoptant des solutions innovantes. »
Télésurveillance et cybersécurité en hausse de 10 %
Les secteurs ne vont pas évoluer de la même manière en 2017-2018 : la télésurveillance résidentielle et la cybersécurité vont frôler une croissance avoisinant les 10%, la sécurité électronique (alarme,contrôle d’accès et vidéosurveillance) progressera d’environ 6 à 7% alors que la serrurerie et l’intervention sur alarme devraient enregistrer une augmentation de 1% seulement. Pour la troisième année consécutive, la sécurité électronique a dépassé en 2016 les 50% du CA total de la sécurité privée pour se fixer à 53,2% contre 50,7% en 2014 et 40,2% dix ans plus tôt, en 2006. Cette évolution se fait aux dépens de la sécurité physique (serrurerie, équipements blindés, etc.) qui perd 2,6 points entre 2014 et 2016 (de 24,5% à 21,9%). Cette hausse devrait se poursuivre et culminer vers 2025 pour parvenir à environ 60%. À cette date, les dépenses de services et de sécurité physique atteindront un niveau incompressible et se trouveront donc à un pourcentage qui ne devrait plus décroître.
Amélioration de la rentabilité des sociétés de sécurité
L’année 2016 a été le théâtre d’une amélioration historique en ce qui concerne la rentabilité des sociétés de sécurité : 75% d’entre elles ont été bénéficiaires. Cette performance est identique à celle enregistrée en 2000, mais avec une croissance de marché bien plus élevée à l’époque (+9,2%). De même, le taux de faillite en 2016 ne s’élève qu’à 6%. Un score si bas qu’il faut remonter à presque dix ans pour trouver un pourcentage plus faible (en 2007 à 5%). De plus, le nombre de sociétés en perte financière est également le plus bas depuis une quinzaine d’années (11,5%). Ces performances résultent de facteurs divers comme l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) – qui sera supprimé en 2019 -, le surcroît de contrats suite aux attentats et une meilleure gestion des entreprises.
Le marché de la sécurité privée se trouve à un tournant historique : l’État a plus que jamais la volonté de renforcer le rôle de la sécurité privée dans le dispositif général de sécurité du pays. Cette démarche concerne entre autres une meilleure coordination avec les forces de l’ordre, des échanges de renseignements, des missions supplémentaires pour assurer la surveillance de bâtiments publics,etc. Mais le changement le plus marquant se trouve dans la possibilité pour la profession d’armer une partie de ses agents de sécurité. Ce dispositif concernera environ 2.000 agents, soit moins de 2% de la population active dans le gardiennage, et sera opérationnel en 2018.
Sécurité intérieure, marché en croissance de + 3,8 %
Quant à la sécurité intérieure (gestion des identités, protection des frontières, détection d’explosifs, fabrication de vêtements NRBC, etc.), ce secteur a représenté, en France, 3,9 milliards d’euros en 2016 avec une croissance de +3,8%, marquant un nouveau ralentissement de son rythme de croissance par rapport à 2015 (+6,2%). Cette évolution en dents de scie est bien loin des progressions exponentielles connues en 2002 (+34,2%) et en 2005-2007 (+25%). « Le marché est fortement lié aux investissements publics alors que l’Etat est engagé dans un vaste processus d’économie budgétaire tout en ayant la protection des biens et des personnes constamment à l’esprit », souligne Patrick Haas qui estime que le marché devrait s’élever à 4,1 milliards d’euros cette année soit une croissance de 5,2 %. La multiplication des menaces terroristes qui planent sur la France a révélé le besoin de reprendre les investissements en sécurité intérieure. Les prévisions pourraient prendre le chemin de la hausse
mais sans jamais retrouver le niveau de l’année 2000. Un score de +5,2% est attendu en 2017, notamment grâce aux performances de certaines entreprises françaises à l’international. La cybersécurité, qui pesait 2,9 milliards d’euros en 2016, connaît une augmentation continuelle de son CA depuis 2014 (+4,8% puis +8% l’année suivante et +8,7% en 2016). Mais ces scores restent décevant compte tenu d’un pourcentage d’au moins 10% attendu initialement notamment à cause de l’ampleur des menaces et des cyberattaques survenues. Le marché devrait continuer à augmenter avec une prévision de +9,5% en 2017 où il devrait peser 3,1 milliards d’euros.
Les drones en progression de +55,5 %
Le taux de croissance annuel du marché des drones professionnels de surveillance et de sécurité civile connaît une décrue constante depuis 2013 et se dégrade plus rapidement que prévu. Néanmoins, la hausse en volume reste encore très significative. En 2016, ce marché pesait 46,8 millions d’euros contre 30,1 millions d’euros l’année précédente soit une progression de +55,5 % Ce domaine reste le créneau le plus dynamique parmi les autres segments applicatifs des drones professionnels (agriculture, mines, médias, etc.). Il pourrait être le premier secteur par la taille d’ici une dizaine d’années. Pour l’heure, les technologies adoptées ne sont pas encore stabilisées et les donneurs d’ordres n’ont que peu de visibilité sur l’avenir. Ce qui explique la croissance moins forte que prévue. Le marché devrait être de 69,3 millions en 2017 et 145 millions à l’horizon 2020.
Eliane Kan
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