Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

A quand la mise en équation de la sécurité-sûreté 

Indicateurs clés de la performance (KPI), retour sur investissement (ROI)… Les « metrics » du marketing et du commercial peinent à émerger dans le domaine de la sécurité.

Juridique, finances, ressources humaines, informatique, sécurité-sûreté… Les directions support cherchent toutes à valoriser leur fonction afin de justifier les investissements qu’elles réclament. Un véritable Graal sous peine de voir leurs budgets systématiquement revus à la baisse.

En effet, de leur côté, les directions opérationnelles (marketing, ventes, production…) dégainent depuis longtemps leurs « metrics ». À savoir leurs indicateurs clés de la performance (1) tout droit sortis des méthodes managériales anglo-saxonnes.

L’enjeu est clair : « Ne plus considérer la direction sécurité-sûreté comme un poste de coûts mais un centre profit, milite Pierre Grard, président de l’IESSE (2). Voire une opportunité de création de valeur. » Mais comment faire ?

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Pierre Grard est président de l’Institut européen d’études en sûreté-sécurité pour les entreprises. © IEESSE

La difficile recherche d’indicateurs pertinents

Pour mesurer le retour sur investissement (ROI) de la sécurité-sûreté, encore faut-il définir une batterie d’indicateurs standards et pertinents. Et c’est là que le bât blesse. « Nous nous apercevons que les pertes liées aux sinistres passent au passif dans le bilan des entreprises. Mais on ne valorise rien à l’actif. Il y a donc un déséquilibre naturel qui se crée, reprend Pierre Grard. Nous allons donc créer une liste d’indicateurs pour mesurer la pertinence des investissements en sûreté-sécurité. L’idée consiste à les valoriser à l’actif des entreprises. » Pour l’heure, le sujet est sensible. Notamment parce que, en majorité, les départements de l’entreprise travaillent encore en silo. Or il faudrait analyser l’ensemble des investissements de l’entreprise et leur affecter un coefficient pour valoriser ceux de la sécurité-sûreté. « C’est ce sur quoi nous travaillons aujourd’hui », confie le président de l’IESSE.

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Alexandre Fousse est responsable de la sûreté et de la résilience opérationnelle chez Magellan Consulting.
© Magellan Consulting

Trouver les axes pour construire les indicateurs de performance

« En sécurité-sûreté, la notion de KPI varie considérablement selon les secteurs d’activité. Dans la grande distribution, le calcul du ROI peut être très simple. Un nouveau système de contrôle d’accès à 50 000 euros peut contribuer à éliminer 100 000 euros de démarque inconnue, expose Alexandre Fousse, responsable de la sûreté et de la résilience opérationnelle chez Magellan Consulting. Il n’en va pas de même dans d’autres environnements. Dans les services, l’industrie, l’énergie, il est plus difficile de construire des indicateurs qui parlent aux directions générales. » Du coup, les DSS (3) tentent de construire leurs indicateurs clés de la performance autour de plusieurs axes maîtrisés. Citons la sûreté globale des collaborateurs, la sûreté des collaborateurs à l’international, la QHSE (4), la sûreté physique des infrastructures. Ainsi que la sécurité des systèmes d’information et la sécurité de l’information. Il reste difficile de mettre ces axes en équation avec les risques d’entreprise et le repères habituels des dirigeants. DAF en tête.

Vers une sécurité de productivité

Pour élargir davantage la construction des KPI, il devient également nécessaire de développer une vision consolidée de la sécurité-sûreté. Notamment en proposant une approche par les services. « Qui dit KPI, dit coûts et délais. En réalité, il faudrait remplacer le terme de performance par pilotage, engagement, qualité, satisfaction, préconise Alexandre Fousse. Par exemple, en améliorant objectivement la perception de la sécurité par les salariés, on accroît la qualité de leur engagement. Et donc leur productivité. » De même, on mesure l’accélération du processus de contrôle et d’identification des véhicules de livraison par un système LAPI (5). Ce qui augmente la productivité des lignes de fabrication d’une usine. « Mais cette productivité ne sera légitimement mesurable que par la direction de la production », remarque Alexandre Fousse. Morale de l’histoire : le DSS reste dans une fonction support. Et il a intérêt à discuter avec les différents services de l’entreprise. Ainsi pourra-t-il identifier les gisements de productivité offerts par la sécurité-sûreté. Et, surtout, les faire valoir dans un langage compris et mesurable par tous.

Des thèmes de recherche en perspective

Il n’empêche ! Si la définition des KPI n’est pas standardisée, c’est qu’elle manque de théorie scientifique. Et sans fondement scientifique, le calcul du ROI restera artisanal et flou. Donc pas assez convaincant. Inverser la tendance signifie que le monde de la sécurité-sûreté doit modéliser ses processus métiers. Ainsi que leurs interactions avec tous les services de l’entreprise. À cet égard, saluons le GES (6) qui a créé le Prix de la recherche en sécurité privée. La première édition a été lancée le 15 septembre dernier. Quant à la clôture des candidatures, elle aura lieu le 30 novembre. Certains chercheurs auront peut-être l’idée de phosphorer sur le ROI et les KPI en sécurité privée.

Erick Haehnsen

(1) En anglais, Key Performance Indicators (KPI).
(2) Institut européen d’études en sûreté-sécurité pour les entreprises
(3) Directeurs sécurité-sûreté
(4) Qualité, hygiène, sécurité, environnement
(5) Lecteur automatique de plaques d’immatriculation
(6) Groupement des entreprises de sécurité

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