Harvey, Irma, Maria… Outre les conséquences dévastatrices du passage des cyclones tropicaux, ouragans et typhons connues aujourd’hui (inondations, glissements de terrain et bourrasques), ces phénomènes météorologiques extrêmes auraient également un impact significatif sur la croûte terrestre. En témoigne une équipe franco-taiwanaise qui estime que ces derniers auraient également un impact sur la déformation des sols. Pour prouver cette relation, les chercheurs ont étudié pendant dix ans le passage des cyclones à Taïwan. Objectif : mettre en évidence la relation entre la dépression atmosphérique liée au typhon et la dilatation du sol.
Taïwan, le berceau des cyclones les plus actifs
Et les enjeux ne sont pas des moindres, ils pourraient montrer l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes sur l’activité sismique d’une région dans le cadre du réchauffement climatique. Pour cela, l’équipe, constituée des chercheurs de Géosciences Rennes (OSUR, CNRS / Université de Rennes 1), de l’Institut des sciences de la Terre de Taipei (Academia Sinica, Taïwan) et de l’Institut de physique du globe de Strasbourg (IPGS/EOST, CNRS/Université de Strasbourg), se sont positionnés à Taïwan, « un laboratoire naturel idéal pour ce travail car situé dans le bassin de formation de cyclones le plus actif de la planète », précise le CNRS.
Une étude basée sur dix ans de mesures
Durant dix ans, ils ont mesuré les déformations du sol grâce à un réseau d’extensomètres. Enfouis à 200 m de profondeur, ces extensomètres sont capables de mesurer des déformations extrêmement ténues, de l’ordre du nanostrain, soit une déformation relative de 1 mm pour 1.000 km de roche. « L’étude s’appuie conjointement sur ces mesures de déformation et sur leur modélisation numérique, contrainte par les variations de pression atmosphérique et les quantités de pluie mesurées localement, à proximité de chaque extensomètre », ajoute le CNRS.
Un phénomène de dilatation positive
Grâce à ce protocole, les scientifiques ont pu observer les effets de 30 cyclones tropicaux dont le typhon Morakot (août 2009). Résultat : ils ont pu remarquer un phénomène de dilatation commun entre la décroissance de la pression atmosphérique et la déformation du sol enregistrée. Ce phénomène de dilatation n’est pas inconnu. On le retrouve également au-dessus de l’océan sous le nom de “marée de tempête” : à son passage, un cyclone engendre une dépression atmosphérique qui élève le niveau de la mer de 1 cm par hPa (hectopascal) à 1.013 hPa. Et dont les conséquences peuvent être extrêmement graves sur les côtes.
Une déformation des sols en deux phases
De leurs observations, les chercheurs ont pu remarquer que les cyclones déformaient le sol en deux phases. À commencer par une dilatation de la croûte terrestre, jusqu’à 150 nanostrains. Une phase corrélée à la dépression atmosphérique engendrée par le passage d’un cyclone. Ensuite, s’opère une contraction du sol, jusqu’à 800 nanostrains. Cette phase est due à la charge d’eau qui pèse à la surface des sols, engendrée par les pluies torrentielles. « Selon la topographie avoisinante, les volumes de pluie tombés sur de grandes surfaces peuvent être drainés et concentrés vers des régions plus petites, très souvent les fonds de vallées, qui vont alors subir des déformations de plus en plus fortes, détaille le rapport du CNRS. Par ailleurs, la dynamique temporelle de cette contraction reflète le temps nécessaire à l’eau de pluie pour ruisseler vers ces vallées. Ce qui renseigne sur la vitesse de ce ruissellement et la surface moyenne des bassins versants drainés. »
C’est ainsi que les dépressions atmosphériques générant une accumulation d’immenses quantités d’eau de pluie, sont capables de déformer la croûte terrestre. Si le phénomène est désormais avéré, il manque encore certaines données telles que l’amplitude et la dynamique de ces déformations. Lesquelles doivent également être traitées de manière isolée des autres sources de déformation, comme celles liées à l’activité tectonique, volcanique ou sismique.
Ségolène Kahn
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