Interview du chargé de mission à l’Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail. Dans la perspective du prochain salon Expoprotection 2020, il présentera deux outils pédagogiques : le kit "Associer télétravail et QVT" ainsi que le jeu de cartes "Les essentiels télétravail".
Durant le confinement, un tiers des salariés ont été amenés à faire du télétravail. En quoi cette forme d’organisation améliore-t-elle les conditions de travail ?
D’abord, le télétravail offre une meilleure articulation des temps entre la vie personnelle et vie professionnelle. Le salarié peut s’organiser au quotidien et prévoir par exemple de s’isoler chez lui pour se consacrer à des travaux qui réclament de la concentration. En outre, le télétravail permet de réduire les temps de déplacement. Côté employeur, le télétravail s’inscrit dans le cadre de négociations avec les partenaires sociaux, notamment sur les questions d’égalité professionnelle. Il permet aux organisations de maintenir les salariés en emploi. Enfin, il participe à la politique d’attractivité de l’entreprise pour attirer certains profils. Et contribue aussi, par effet collatéral, à l’amélioration de la performance individuelle des salariés.
Y-a-t-il des risques liés au télétravail ?
Le revers de la médaille pour le salarié, c’est qu’il augmente les facteurs de risque. Par exemple de s’isoler des collègues du bureau et de perdre le lien avec le collectif. Ou encore de se laisser déborder par le travail et d’avoir du mal à se déconnecter. Ce qui peut provoquer des phénomènes d’usure.
C’est un des enseignements du sondage que nous avons lancé entre le 8 avril et le 10 mai dernier. 8 675 personnes y ont répondu. La moitié des salariés ne pratiquaient pas le télétravail avant le début de la crise du Covid19. 50 % environ des répondants ont estimé être moins efficaces et plus fatigués qu’à l’accoutumée.
Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ?
88 % des répondants souhaitent désormais poursuivre le télétravail ponctuellement ou régulièrement. Ceux qui avaient déjà pratiqué le télétravail avant le début de la crise s’estiment plus performants. Ils se sentent davantage capables de réaliser leur mission à domicile que les autres.
Le télétravail est-il appelé à se développer ?
Avant le confinement, il y avait des réticences qui venaient plus d’en haut que d’en bas. Certains managers aiment bien contrôler et avoir leur équipe sous la main. Ce qui explique la faible part de télétravailleurs avant le confinement (entre 3 % et 7 %). Au vu des avantages que les entreprises ont pu en retirer, nous faisons l’hypothèse que les craintes se sont levées. Et que le télétravail se développera à l’instar des pays nordiques et anglo-saxons qui l’ont ancré dans leur culture.
Quelles sont les conséquences attendues du télétravail ?
Sa pratique va redessiner les modes managériaux. Tout en organisant de nouvelles articulations entre les temps de travail au bureau, domicile et dans des tiers lieux. Sachant que tous les salariés ne disposent pas de bureau chez eux. Cela va d’ailleurs poser des questions sur l’environnement. Par exemple, comment repenser la place du travail dans les villes et les espaces périurbains.
Lors de votre conférence sur le prochain salon Expoprotection 2020, vous avez prévu de présenter le kit gratuit du réseau Anact-Aract. De quoi s’agit-il ?
Nous avons conçu une méthodologie à l’attention des entreprises et des organismes publics qui souhaitent construire cette démarche avec leurs salariés. Elle les aide à combiner activité à distance et qualité de vie au travail (QVT). Cela nécessite de définir l’organisation et à réinventer le cadre de travail en intégrant les facteurs des conditions de travail. L’objectif est de protéger la santé des salariés et de favoriser le travail de qualité. Mais aussi de renforcer l’efficacité individuelle et collective ainsi que la performance.
Comment fonctionne ce kit ?
Nous prenons en compte trois portes d’entrée. À commencer par celles où le télétravail est déjà pratiqué. Le kit va les aider à en enrichir le cadre, à en améliorer les pratiques afin de sécuriser ce mode de travail. Cela passe par la réalisation d’un bilan où sont évalués les effets et les contraintes du télétravail.
Quels sont les deux autres scenarii ?
Le second scénario concerne les organisations qui veulent mettre en œuvre le télétravail. Le kit les aide à tester et déployer des modalités de travail adaptées aux activités qui y sont menées. Enfin, le troisième scénario s’adresse aux organisations qui doivent déployer du télétravail à titre exceptionnel. Par exemple, pour faire face à une situation d’urgence. Nous leur donnons des outils simples pour mettre en place cette démarche.
En quoi consiste le nouveau jeu sur le télétravail que vous venez de lancer ?
Il s’agit du jeu de cartes « Les essentiels télétravail ». Cette approche ludopédagogique sert de support à la discussion afin d’aborder collectivement le télétravail sur trois dimensions. À savoir la méthodologie, le cadre et les moyens et le management. En balayant les différentes cartes du jeu, les salariés débattent ainsi sur les différents paramètres de leur télétravail : les moyens à disposition, le nombre de jours, les actions managériales, etc. L’idée étant d’évaluer l’existant et de dégager des pistes d’amélioration pour enrichir le fonctionnement de l’organisation en y associant les salariés.
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