Depuis la catastrophe nucléaire survenue à Fukushima après le passage d’un tsunami le 11 mars 2011, des centaines de kilomètres carrés de terre restent contaminés et donc abandonnés. Pour les autorités japonaises, il est aujourd’hui capital de procéder à la décontamination de ces terres afin de rétablir l’accès à ces zones à leurs habitants. Dans ce cadre, le ministère de l’Environnement a monté un appel à projets baptisé « Démonstration de nouvelles techniques de décontamination ». Il consistera à sélectionner un projet de décontamination des sols. Dix-neuf projets ont été pré-retenus et doivent faire, chacun, l’objet d’une démonstration in situ.
Isoler les matières contaminées
Pour parvenir à décontaminer les terres, un principe prime : séparer les particules de terres contaminées par le césium radioactif des particules très peu ou pas contaminées. Pour ce faire, il s’agit de réduire le volume des déchets en concentrant la radioactivité essentiellement due au césium dans un faible volume, stocké dans des « big bags ». Ce qui permet par la suite de récupérer la partie décontaminée. Environ 22 millions de mètres cube de terre contaminée ont d’ores et déjà été retirés de la surface des sols après l’accident de la centrale nucléaire.
Le projet français Demeterres
Parmi les dix-neuf projets proposés, c’est le fleuron de la science française (le CEA, Orano et Veolia) qui a présenté, via Anadec, une filiale japonaise d’Orano, son projet de décontamination aux autorités japonaises. Depuis 2013, ces trois acteurs ont développé, comme le rapporte un communiqué du CEA (22 mars), une méthode baptisée Demeterres qui consiste en un procédé bio- et éco-technologique pour la remédiation raisonnée des effluents et des sols en appui à une stratégie de réhabilitation agricole post-accidentelle. Dans ce sillage, des technologies de dépollution des sols contaminés par la radioactivité ont été mises au point.
Transformer les matières contaminées en mousse
Une première campagne d’essais reposant sur un procédé de « mousse de flottation » a été réalisée au Japon dans la semaine du 13 au 17 novembre 2017. Ce procédé consiste à faire mousser une suspension de terre dans une colonne de flottation. La terre contaminée est préalablement mise en suspension dans l’eau avec un produit moussant. Ensuite, le mélange est envoyé dans une colonne verticale dans laquelle on injecte ensuite des bulles d’air. Les particules d’argile chargées en césium sont charriées à la surface par les bulles et forment une mousse qui s’accumule. Reste seulement à aspirer cette mousse en tête de colonne.
Jusqu’à 50% de la masse de la terre décontaminée
En résulte la possibilité de récupérer les fines particules contenant une forte proportion de la radioactivité et qui résident désormais dans la mousse en haut de colonne, qui sera ensuite stockée dans les Big Bags. Ce procédé permet également de récupérer 70 à 85% de la masse initiale de la terre. Laquelle se trouve débarrassée de 33 à 50% des fines particules, donc d’une grande partie de la radioactivité, en pied de colonne. Soit un niveau de radioactivité conforme au seuil de 8 kBq/kg fixé par la réglementation japonaise en vue d’une possible revalorisation. Pour améliorer encore le rendement d’extraction du césium, des optimisations de la préparation de la terre (séchage, émiettage, prétamisage et dispersion dans l’eau) ont été proposées. Reste à savoir si, dans les semaines à venir, le trio français sera sélectionné.
Ségolène Kahn
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