SMS et emails injurieux, agressions sur le lieu même du travail, collègues démunis, fatigue, stress… une étude choc réalisée par le réseau OneInThreeWomen montre que les violences conjugales ont également des répercussions sur le monde de l’entreprise.
« Elle le quitte, il la tue » ! Alors que depuis le mois de septembre une campagne offensive investit les rues de Paris, placardant de grandes lettres noires sur fond blanc pour interpeller les passants, la question du féminicide et plus largement celle des violences conjugales agite le pays. Il faut dire que depuis le début de l’année, ce ne sont pas moins de 133 femmes qui ont succombé sous les coups de leur conjoint… Et les enjeux sont en train de dépasser le cadre sociétal : une étude, publiée récemment par quatre chercheuses internationales à travers le réseau OneInThreeWomen, estime que les violences conjugales impactent aussi le monde du travail.
Un quart des salariées victimes de violences domestiques
Interrogeant plus de 6 600 salariés femmes et hommes dans six pays (France, Belgique, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni), cette vaste étude a été réalisée avec l’aide de six multinationales françaises (Kering, Korian, BNP Paribas, L’Oréal, OuiCare et Carrefour). Avec des chiffres inédits, l’enquête révèle en préambule que 16% des femmes et 4% des hommes interrogés sont ou ont été victimes de violences conjugales. Celles-ci « correspondent à l’ensemble des actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui se produisent au sein de la famille ou de l’unité conjugale, voire entre conjoints ou partenaires actuels ou passés, que l’auteur des violences partage le même domicile que la victime, qu’il l’ait partagé par le passé ou que ce ne soit pas le cas. »
Dans 20% des cas, ces sévices affectent le travail
Comme si cela ne suffisait pas, ces sévices débordent aussi sur le travail : pour 20% des victimes, cela se traduit par des appels ou messages injurieux, des persécutions, ainsi que des menaces d’entrer en contact avec les collègues. D’ailleurs, il arrive même que la personne violente vienne poursuivre sa victime physiquement jusqu’à son lieu de travail ou à proximité, pour 57%.
Le risque de perdre son emploi
Anxiété, dépression, honte, douleurs dues aux blessures… les répercussions sur le travail ne se font pas attendre. 55% de ces victimes estiment qu’elles ont affecté leur emploi selon au moins une des trois manières suivantes : retards, absentéisme ou présentéisme, c’est-à-dire baisse de la productivité. En conséquence, un quart ont dû prendre des congés et près d’un tiers (30%) ont craint que ces violences conjugales ne nuisent à leur productivité au point de perdre leur emploi. De fait, 5% estiment avoir perdu un emploi à cause des violences subies.
Une omerta puissante sur le sujet
Gêne à se montrer au bureau avec un œil coquard, honte de subir ces violences sans réussir à partir, crainte de passer pour faible… quoi qu’il en soit, les raisons de se taire sont légion chez les personnes victimes de violences conjugales. Parmi les interrogées, seules 37% d’entre elles ont osé se confier à un collègue. De fait, cette inhibition génère de nombreux problèmes de communication, tant avec l’entourage qu’avec les collègues qui se sentent démunis. Dans ce sens, l’étude montre que seuls deux collègues sur dix savent quoi faire.
Détecter les signes
D’où l’importance de campagnes de prévention telles que celle qu’opère le réseau OneInThreeWomen. Parmi les signes qui aident à détecter une situation de violence conjugale, la communauté cite des troubles émotionnels, des blessures physiques, des changements dans la performance au travail, des absences ou des retards, ou au contraire un calme et une discrétion inhabituelle.
Quelles solutions en entreprise ?
Pour anticiper ce drame, le réseau recommande également de créer un poste de porte-paroles contre les violences conjugales au sein de chaque entreprise mais aussi de réaliser des démarches de sensibilisation. Par exemple, il y a quelques semaines, les membres du réseau ont fait un appel à la mobilisation sous le hashtag #aidetacollègue. Il s’agit d’inviter les salariés à manifester leur soutien à leurs collègues victimes de violences et à les encourager à se confier sans crainte d’être jugées.
Ségolène Kahn
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