Pour passer du statut de simple manager à celui de « leader », le chef s’affranchit du carcan des normes et du reporting. Ce qui engage sa subjectivité et créativité. Troquant le pouvoir contre l’autorité que lui confèrent ses équipes, il donne du sens et des perspectives au travail.
Efficacité, efficience, exigence, écoute active… passer de simple « manager » à « leader » réclame d’acquérir un bon lot de qualités et d’outils. « Le leader n’est pas forcément un patron du CAC 40 ou d’ETI. C’est avant tout un dirigeant ou un manager de proximité, rappelle Frantz Caron, consultant en RH. Il connaît son marché sur le bout des doigts, ou du moins son environnement, définit clairement sa stratégie et décline sa stratégie en opérations tactiques et mobilise ses troupes en suscitant la coopération de chacun. » Et lorsqu’il mène le suivi de l’exécution des tâches, il instaure un dialogue permanent entre explication de ses attentes et écoute active des besoins qu’expriment ses collaborateurs. « C’est un aller-retour permanent. D’emblée, le leader se place dans la réciprocité », reprend Frantz Caron.
Lever les freins à l’intelligence collective
Simples en apparence, ces lignes de conduite s’appliquent pourtant avec difficulté sur le terrain. « Les cadres issus d’écoles de commerce, de management ou d’ingénieurs ont certes été formés aux actes de management (entretien d’évaluation, recadrage, accompagnement, conduite de réunion…) et aux techniques de gestion (fixation d’objectifs, pilotage de l’activité en fonction d’indicateurs de la performance, reporting…), concède le psychologue du travail Jean-Paul Bergouignan. Mais ils ont tendance à se déconnecter du terrain, à piloter le travail des équipes seulement en fonction d’indicateurs de la performance, à se réfugier dans la tour d’ivoire des réunions de reporting ou de pilotage. » Chronophages, ces réunions grignotent le temps à passer avec les clients, les prospects, les partenaires et les collaborateurs. Bref, ce sont des freins à l’intelligence collective. « Pour se développer, le leader a besoin de s’affranchir de ces systèmes de norme et de contrôle car ils se révèlent contre-productifs, lance le psychosociologue Fabien Sanchez. Or accomplir son travail de façon optimale, réclame de faire un pas de côté par rapport à la norme, d’engager sa subjectivité et sa créativité. Ceux qui s’efforcent de respecter toutes les règles parviennent difficilement à mener des projets d’ampleur jusqu’au bout. » Autrement dit, le contrôle apparaît désormais presque comme une « pathologie » qui bloque les énergies. Notamment celles de la co-innovation, du co-développement et de la participation.
Devenir gestionnaire de l’autorité des autres
C’est justement de ce barrage que le leader doit s’affranchir à la fois pour prendre de la hauteur et pour développer son empathie. Ce qui implique de troquer la notion de pouvoir, à savoir la domination de l’autre, contre celle d’autorité. Laquelle résulte d’un rapport social qui ne se décrète pas. C’est l’organisation qui la confie au leader pour qu’il fasse grandir ses équipes. En d’autres termes, « le pouvoir est technique tandis que l’autorité est relationnelle », synthétise Fabien Sanchez. En effet, « le pouvoir s’exerce pour obtenir une obéissance pure et simple. Conséquence : moins les salariés se sentent engagés, plus ils se reposent sur leur chef qui en devient plus arbitraire et moins les salariés s’engagent… C’est un cercle vicieux », souligne Damien Cromer, psychologue du travail et ergonome, fondateur du cabinet Ousia. A la différence du « chef », le leader va, au contraire, chercher à obtenir la reconnaissance de ses équipes en partageant l’autorité. « Il devient alors le gestionnaire des autorités : la sienne, bien sûr, mais aussi celle de ses collaborateurs », poursuit Damien Cromer. Ce qui ne l’empêche de trancher à partir du travail de ses équipes afin de trouver des solutions. Outre la reconnaissance et la considération des équipes, le leader doit enfin donner du sens au travail et des perspectives. Ce qui, au quotidien, revient à créer la confiance. « Il dit ce qu’il fait, il fait ce qu’il dit, il exige la même chose des autres. La confiance ne se base que sur des faits, reprend Damien Cromer. Elle déclenche des émotions positives qui mettent les collaborateurs en route pour que chacun contribue à atteindre les objectifs de l’entreprise. » Bien plus qu’un super-chef, fût-il charismatique, le leader est un moteur de développement collectif : aussi bien pour les salariés que pour l’entreprise.
Erick Haehnsen
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