Réduction budgétaire oblige, de plus en plus d'entreprises s'orientent vers les combinaisons jetables. Au grand dam des fabricants de textiles lavables qui montent au créneau avec des produits toujours plus légers et plus protecteurs.
Bon nombre d’entreprises se posent actuellement la question de savoir s’il est pertinent de troquer leurs combinaisons lavables contre des articles jetables ou à usage limité. Lesquels sont vendus pour quelques euros contre plusieurs dizaines d’euros pour des vêtements en textile de même catégorie. Ces deux familles de produits sont, en effet, soumises à la directive européenne 89/686/EEPC sur les EPI et présentent des avantages et des inconvénients au niveau de leurs coûts d’achat et de leur impact environnemental. Surtout, chacune de ces deux solutions enregistrent des avancées notables dans le confort et la protection des utilisateurs. Par exemple, au niveau des combinaisons lavables multirisques, leur poids a été allégé passant de 300 g/m2 à moins de 200 g/m2.
Du côté des vêtements à usage limité, les produits haut de gamme affichent un meilleur confort thermique et une protection très ciblée selon la nature des risques rencontrés. Les combinaisons jetables ont d’ailleurs conquis des secteurs aussi variés que le nucléaire, le BTP, la santé, les industries très salissantes comme l’agroalimentaire ou très exigeantes comme les salles blanches. Parmi les grands acteurs du marché citons 3 M, Dupont Personal Protection, Honeywell ou encore Microgard. Il s’agit d’un des premiers fabricants au monde de vêtements de protection chimique à durée limitée, c’est-à-dire utilisable jusqu’à ce qu’un nettoyage hygiénique devienne nécessaire ou qu’une contamination se produise. L’offre de cet industriel comprend notamment une combinaison Microgard 4000 de catégorie 3. Laquelle concerne, rappelons-le, les vêtements de conception complexe destinés à protéger contre des dangers mortels ou qui peuvent nuire gravement ,et de manière irréversible, à l’inverse de la catégorie 2 visant les produits de conception complexe et destinés à des risques non mortels et la catégorie 1, qui correspond aux produits de conception simple destinés à des risques minimes. Le Microgard 4000 répond à des caractéristiques antistatiques et à trois indices de protection chimique de types 3, 4, et 5(voir encadré sur la signification des indices). « Il a été testée contre la perméation de 160 produits chimiques, y compris les agents de guerre chimique », revendique son fabricant qui compte bien creuser cette année son sillon sur le secteur de l’agriculture avec sa combinaison Microgard 2200 Ts Plus.
Assistance technique
Pour aider les entreprises à sélectionner la combinaison la mieux appropriée, le chimiste propose une aide à la décision sur son site. Il suffit de cliquer dans la liste contenant une trentaine d’applications (salle blanche, aviation, construction, pétrochimie, etc.), puis d’affiner son choix en précisant le degré de protection voulue. Si cela ne suffit pas, Microgard apporte une assistance technique à ses clients. « Lors de la sélection de l’EPI, il faut reprendre l’étude de risques de sorte à identifier les performances attendues en terme d’abrasion, de déchirure, de tension ou de résistance », recommande Greg Oswell, en charge du développement commercial chez Microgard. « D’autres propriétés physiques sont à considérées telles que la résistance des coutures et des fermetures (par exemple les fermetures à glissière), la souplesse, le poids et les facteurs de confort en terme d’isolation thermique ou de respirabilité », précise le spécialiste de Microgard.
Dupont Personal Protection s’enorgueillit, lui aussi, d’apporter son expertise à ses clients. « Nous avons été parmi les premiers industriels à proposer un tel service », revendique Patrice Savin, responsable vente en France chez Dupont Personal Protection. « Nous disposons d’une base de données avec plusieurs centaines de produits chimiques testés », poursuit l’expert qui vient d’étoffer son offre dédiée à l’industrie et aux services avec Tyvek Labo, un nouveau vêtement en Tyvek( un non tissé en polyéthylène haute densité) dédié aux laboratoires. Cette combinaison bénéficie d’une coupe spécifique, qui s’adapte parfaitement à chaque partie du corps tout en permettant une grande liberté de mouvement. « Le confort est également renforcé par la respirabilité de notre non tissé », fait valoir Patrice Savin. Autre amélioration notable, des consignes sur le packaging indiquent les procédures d’habillage et de déshabillage. Au plan technique, cette combinaison certifiée types 5 et 6 offre une capacité de résistance à la pénétration par des particules de 1,3 %. Elle présente également une barrière contre la perméation de nombreuses substances chimiques inorganiques faiblement concentrées.
Les principales normes applicables au vêtement de travail
– EN 340 : définition de la spécificité des vêtements, exigences générales (marquage, tailles, ergonomie, vieillissement, pictogramme, etc.)
– EN342 : vêtement de froid
– EN 343 : vêtement contre les intempéries
– EN 381-5 : vêtement de protection des jambes contre les scies à chaîne
– EN 381-11 : vêtement de protection du buste et des bras contre les scies à chaîne
– EN 466 : vêtement contre les produits chimiques
– EN 467 : articles d’habillement offrant une protection contre les produits chimiques liquides à certaines parties du corps seulement.
– EN 469 : vêtement de protection pour pompiers
– EN 471 : vêtement de signalisation
– EN 510 : vêtement de protection contre le happement
– EN 1149-5 : propriétés antistatiques du vêtement
– EN 11611 (remplace la norme EN 470-1) : protection soudeurs (retardateur de flamme)
– EN 11612 (remplace les normes EN 531, EN 532 EN 533) : vêtement contre la chaleur et la flamme
– EN 13034 : norme chimique
– Norme CEI 61482-2 (remplace la norme CLC TS 50354) : protection contre les dangers thermiques d’un arc électrique.
Textiles multirisque
Face à l’offensive du « jetable », les fournisseurs de textiles et de vêtements techniques pointent du doigt le prix du traitement des déchets qu’ils génèrent et qui ne sont pas toujours compris dans le coût de revient du produit. Fort de cet argument, le monde du textile monte au créneau avec des produits multifonction toujours plus légers et confortables. A commencer par Kermel Alpha, un produit multi-usage et multifonction, qui couvre une bonne partie des risques dans l’industrie. « Il est composé à 50 % en aramides (fibre thermostable) et 50 % d’autres fibres pour garantir aux utilisateurs un bon confort thermique tout en répondant à une protection au feu et aux flammes (norme 11612) et à l’arc électrique (norme ENV 50354) », se félicite Pascal L’Higuinen, responsable sur la France des applications pour les pompiers, l’industrie et le maintien de l’ordre et l’ermée chez Kermel, spécialiste européen des vêtements de protection contre la chaleur. Autre atout de ce produit, il passe au nettoyage industriel. « Les contraintes sont assez draconiennes car, lorsque les vêtements passent en tunnel de séchage, ils doivent supporter des températures de plus de 150 °C. Du coup il faut trouver des fibres qui supportent une telle chaleur », fait remarquer le commercial de Kermel.
Dans son sillage, d’autres fabricants tissent aussi leur toile. Citons le « Lea Multi 310 » issu de la série Ultimate du fabricant allemand Lauffenmühle. « Il s’agit d’un tissu multirisque destiné au lavage industriel (50 lavages) sur un poids de 310g/m² avec des retraits très faibles », explique Nicolas Fousseux, en charge de la direction commerciale chez Performance, un fournisseur de textiles techniques. Multirisque, cette nouvelle série protège contre les produits chimiques et les charges électrostatiques mais aussi contre la chaleur et les flammes, les projections de métaux liquides. « Ce tissu a été développé spécialement pour des utilisations dans le domaine de la pétrochimie, de l’industrie automobile, pour les entreprises de fourniture d’énergie, l’industrie lourde ainsi que pour les autorités publiques », explique le directeur commercial qui vient de lancer, dans la foulée le Bodyguard, Ranger AS 320 de Gauthier. « Il s’agit du premier tissu multirisque soudeur classe II, orange haute visibilité et non feu (fibre Protex) certifié pour le lavage industriel (50 lavages, plusieurs années) », assure Nicolas Fousseux. Autre fournisseur de textiles techniques, Sympatex Technologies cultive lui aussi la fibre multirisque avec la commercialisation prochaine d’un nouveau laminé coton/ modacrylique. « Ce produit répondra aux normes haute visibilité, à la chaleur et propagation de la flamme tout en antistatique et impérméable à la pluie », fait valoir Hervé Clerbout, directeur des ventes chez Sympatex Technologies SAS.
Les différents indices de protection chimique
> Une combinaison de protection chimique peut avoir un plusieurs indices d’étanchéité (de 1 à 6) :
– Type 1 : étanchéité aux gaz
– Type 2 : étanchéité limitée aux gaz
– Type 3 : étanchéité aux liquides
– Type 4 : étanchéité aux aérosols
– Type 5 : étanchéité aux particules solides
– Type 6 : étanchéité limitée aux éclaboussures de liquide
Textiles multinorme
« La demande des utilisateurs évolue vers des vêtements multifonction, antifeu et antistatique et antiacides comme le modèle 1705 », indique Annibal Ribeiro, directeur commercial de VPS, un spécialiste des vêtements de protection de sécurité à base de fibres aramides. « Nous avons beaucoup progressé sur le poids du vêtement. A titre d’exemple, nous sommes passés de 320 g/m2 à 260g/m2.» Moins lourds à porter, les vêtements destinés aux entreprises industrielles, mais aussi aux pompiers, contiennent notamment des fibres qui absorbent la transpiration, ce qui permet de les porter toute la journée. « Par ailleurs, comme ils sont désormais proposés en différents coloris (il en existe une trentaine de variétés), ils participent également à l’identité visuelle de l’entreprise », fait valoir Annibal Ribeiro.
Autre tendance forte, la demande des entreprises en faveur de vêtements de protection recyclables. « Des solutions sont à l’étude mais nous ne sommes pas encore en mesure d’y répondre techniquement », confie le directeur commercial qui voit, depuis 2010, un regain des ventes de vêtements non feu et antistatiques dans le dépannage et l’entretien. Un secteur que Sperian a également dans son viseur avec sa nouvelle combinaison Multisafe HV de Sperian en fibre aramide. Haute visibilité, elle intéresse des secteurs comme les aéroports, la plateforme offshore, la maintenance de voie ferrées, etc. Appartenant à la catégorie 2, elle répond à cinq normes (chaleur et flamme, antistatique, protection chimique, signalisation, protection des soudeurs). Personnalisable avec le logo de l’entreprise, la combinaison sera lancée mi-mars.
La combinaison jetable recommandée pour certains travaux
L’INRS recommande le port de combinaisons jetables lorsque les salariés sont amenés à utiliser des produits très toxiques ou dangereux. C’est le cas des produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture, des fibres céramiques réfractaires employées dans l’industrie. Dans ce cas, l’INRS conseille de porter des combinaisons jetables de type 5 avec cagoule et serrage au cou, aux poignets et aux chevilles et dépourvue de plis ou revers avec des poches à rabats. Une fois utilisées, les combinaisons doivent être envoyées dans une installation de stockage de déchets dangereux (classe 1). Dans le BTP, le port d’une combinaison jetable est préconisé lors de l’enlèvement de la peinture au plomb. En revanche, ce type de vêtement est obligatoire quand il faut manipuler de l’amiante. Après usage, la combinaison doit faire l’objet de traitements spécifiques.
A venir, des combinaisons pour femme
Plus protectrices, les combinaisons de travail ne sont pas encore adaptées à la morphologie des femmes alors que le besoin existe. VPS voit émerger des demandes pour habiller les femmes. Notamment au niveau des pompiers. « Pour le moment nous livrons des produits unisexes, mais dans certains cas, les entreprises nous demandent de réaliser des vêtements sur mesure, notamment dans le secteur du raffinage », confie Annibal Ribeiro. Certains fabricants ont aussi fait le constat et préparent une offre standard. C’est notamment le cas chez Muzuelle Dulac, le spécialiste des vêtements de protection, qui habille également des travailleurs de vêtements « multirisques » baptisés Tecapro XC 9001. Idem pour le loueur de vêtements Initial. « Au-delà des exigences en termes de performances techniques, nous enregistrons un besoin stylistique exprimé par les entreprises industrielles qui recrutent de plus en plus de femmes. Il s’agit pour nous d’un axe de développement à moyen terme », explique Céline Maillard, chef de Marchés Industrie & EPI chez Initial.
Rockwool adopte des EPI jetables pour ses opérations de nettoyage
Une fois toutes les trois semaines environ, Rockwool, le fabricant de laine de roche met à l’arrêt technique son site de Saint-Eloy-les-Mines pour effectuer l’entretien et le nettoyage de ses trois lignes de production. Les ouvriers en charge de cette mission endossent alors, par dessus leur tenue de travail habituelle (pantalon accompagné d’un tee-shirt ou d’un pull selon les saisons), une combinaison de travail jetable. « Ce type d’EPI nous évite d’avoir à gérer le lavage des vêtements sachant que ces opérations sont très salissantes et qu’elles mobilisent quelques centaines de personnes à chaque fois pendant un à deux jours », explique Jean-Marc Vignes, responsable sécurité du site de Saint-Eloi de Rockwool France. Pour éviter d’avoir à gérer trop de références produits, l’entreprise industrielle choisit un type de combinaisons qui doit répondre à plusieurs critères : le confort thermique, l’étanchéité mais aussi la résistance mécanique. Chaque nouveau produit fait l’objet de tests préalables avant d’être adopté. En dépit de ces précautions, l’industriel a eu récemment des surprises : « Nous avons eu récemment quelques problèmes avec nos combinaisons. Elles se déchiraient trop facilement et certaines salissures passaient au travers », soulève le responsable sécurité qui procède actuellement à des tests avec le fabricant pour augmenter le grammage des combinaisons.
Pour se distinguer de ses concurrents, l’entreprise est certifiée « fibre citoyenne » depuis cinq ans. « Ce label nous contraint à des obligations de traçabilité sur l’ensemble de nos produits et filière d’approvisionnement. Via cette certification, le loueur exige, entre autres, de ses fournisseurs un certificat Oeko-Tex (ou équivalent) qui garantit l’innocuité de ses articles textiles (absence de colorants et de produits irritants). Initial fournit aussi une gamme de produits multirisques sous l’appellation « Prismasafe ». Déclinés en plusieurs coloris, ces vêtements protègent contre le risque thermique, chimique, électrostatique pour un poids de 195g/m2. Par ailleurs, Initial fournit des combinaisons pour salles propres dédiées aux secteurs de l’électronique de pointe ou de la pharmacie. Deux de ses usines sont dédiées à ce type d’environnement. « Une fois le vêtement lavé, il est décontaminé dans une salle propre aux normes iso 4 (norme NF EN 14 644-1) », poursuit la chef de marché d’Initial. Surtout, ce loueur décharge les employeurs de l’obligation de gérer la traçabilité des vêtements (notamment au niveau du nombre de lavages), comme les y oblige la directive EPI. De son côté, Elis, un autre prestataire, estime que la location-entretien minimise l’impact sur l’environnement car le même vêtement est entretenu et réutilisé. « C’est moins d’émissions de gaz à effet de serre et moins de déchets générés », insiste Adeline Fradet, chef de Marché EPI. « Un article textile EPI sélectionné pour la location peut être lavé 20 à 50 fois selon son usage. Il s’agit d’une véritable alternative vertueuse face aux produits jetables. »
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