Dans un rapport remis au ministre du Travail, Xavier Bertrand, en avril dernier, un collège d’experts de l’Insee propose un dispositif de suivi des risques pour la santé engendrés par certaines conditions d’emploi, d’organisation et de relations au travail, susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. Le rapport identifie, en outre, six sources de RPS. Ce document a été élaboré par un collège pluridisciplinaire et international d’experts indépendants réuni sous l’égide de l’Insee et animé par Michel Gollac, directeur du laboratoire de sociologie quantitative du Centre de recherche en économie et statistique (Crest), avec le concours de la Dares et de la Drees.
> Six sources de risques psychosociaux au travail
Le rapport préconise de construire des indicateurs pour suivre six types de facteurs psychosociaux de risque au travail :
– l’intensité du travail et le temps de travail
Un travail trop intense est source de risques : rythme de travail soumis à de fortes contraintes, objectifs irréalistes compte tenu des moyens disponibles, objectifs flous, instructions contradictoires, exécution d’une tâche sans cesse perturbée. Le temps de travail influe sur la santé et le bien-être par sa durée et son organisation.
– les exigences émotionnelles, c’est-à-dire la nécessité de maîtriser, façonner ou cacher ses propres émotions, afin, notamment, de maîtriser et façonner celles ressenties par les personnes avec qui on interagit lors du travail. Cela peut être le cas de soignants face à leurs patients, de policiers face à des délinquants, de commerciaux face à des clients, d’enseignants face à des élèves. L’organisation du travail peut rendre ces exigences plus ou moins fortes.
– le manque d’autonomie
L’autonomie au travail inclut les marges de manœuvre (choix de la façon de procéder, de l’ordre des tâches, prise d’initiatives), la participation aux décisions, l’utilisation et le développement des compétences. La notion d’autonomie est liée au développement et à l’épanouissement au travail.
– la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail, c’est-à-dire aussi bien des rapports entre collègues, qu’avec la hiérarchie ou avec l’entreprise. De mauvaises relations personnelles entre collègues ou avec la hiérarchie peuvent nuire à la santé : un cas limite est le harcèlement moral. Au contraire, pouvoir compter au travail sur une aide matérielle ou un soutien moral, faire partie d’une communauté professionnelle, qui se sent maîtresse de son travail, protège. La reconnaissance de son travail, notamment par une rémunération perçue comme adaptée et des perspectives d’évolution favorables, est également un facteur positif, ainsi que le sentiment def aire partie d’une organisation juste.
– la souffrance éthique, c’est-à-dire la souffrance ressentie par une personne à qui l’on demande d’agir en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles. La finalité du travail ou ses conditions d’exécution peuvent être à l’origine d’un conflit de valeurs.
– l’insécurité de la situation de travail
Il s’agit du risque de perdre son l’emploi, de voir baisser sa rémunération ou de ne pas bénéficier d’un déroulement « normal » de carrière. La difficulté à supporter ses conditions de travail, les inquiétudes sur l’avenir du métier, les changements incessants ou mal maîtrisés, contribuent également à cette insécurité professionnelle.
Les différents facteurs ne doivent pas être envisagés séparément. Leurs effets dépendent aussi de la durée d’exposition. Des événements traumatisants, comme un licenciement, peuvent sensibiliser à l’effet de certains facteurs de risque.
> Les recommandations pour mieux mesurer les risques psychosociaux
Selon les conclusions du rapport, l’interrogation directe est la meilleure façon de recueillir l’information sur ces facteurs. Une nouvelle enquête, semblable à celle déjà réalisée par la Dares sur les conditions de travail, peut être un outil adapté, à condition de réinterroger périodiquement, pendant une dizaine d’années, une partie des personnes sollicitées, pour évaluer les durées d’exposition.
Interroger également les employeurs présente l’intérêt d’apporter un autre regard sur les situations et des informations complémentaires, notamment sur les dispositifs de prévention.
Le collège d’experts recommande la réalisation d’une première enquête complète en 2015. Il propose une liste de variables à mesurer et un procédé de questionnement, incluant un suivi en panel. Dès 2012, la prochaine enquête sur les conditions de travail pourrait être adaptée pour fournir des indications partielles.
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