L’industrie chimique peut se flatter d’avoir un taux de fréquence des accidents avec arrêt parmi les plus bas. En revanche, ce secteur doit redoubler de vigilance sur les risques de maladies professionnelles en adoptant les bonnes protections.
Massivement présents dans notre vie quotidienne sous forme de cosmétiques, colles, peintures, résines, fluides, diluants, etc., les produits chimiques génèrent en France une activité économique soutenue. L’Union des industries chimiques (UIC) recense, pour 2011, un peu plus de 156000 employés.
« Ces effectifs se répartissent dans 3000 entreprises dont 60 % de TPE, et 23 % de PME », nous indique l’UIC. Leur activité se répartit entre la chimie de base (il s’agit de productions en grands volumes, faites à partir de matières premières), la chimie des intermédiaires et des spécialités et les produits chimiques de consommation, vendus directement à l’utilisateur final.
A elle seule, cette industrie regroupe tous les risques professionnels. A commencer par les incendies et les explosions (on se souvient d’AZF). En matière de sécurité au travail, des efforts notables ont toutefois été accomplis. Pour 2009, le taux de fréquence des accidents avec arrêt est de 11,3 contre 23,4 pour l’ensemble des secteurs. Si la sécurité au travail a fait de considérables progrès, en revanche, le nombre de maladies professionnelles dues à l’exposition à certains produits chimiques présents sous forme de poussières, fumées, vapeurs, gaz ou brouillards, a augmenté.
Les chercheurs de l’INRS rappellent que les produits chimiques qui entrent en contact avec le corps humain par les voies respiratoires, la peau ou la bouche peuvent perturber le fonctionnement de l’organisme. Ils peuvent provoquer des intoxications aiguës avec des effets plus ou moins graves ou des intoxications chroniques. Ainsi, le contact répété avec certains agents chimiques, même à de faibles doses, peut porter atteinte aux poumons, aux nerfs, au cerveau, aux reins.
Plus de deux millions de salariés concernés
« Pour éviter ces risques, il faut s’attacher à substituer les produits et procédés dangereux par d’autres substances et procédés non dangereux ou moins dangereux, dans la mesure où cela est techniquement possible », précise Grégory Ménec, ingénieur Prévention à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l’emploi des Pays de la Loire (Direccte). Ce dernier rappelle d’ailleurs que la prévention des risques chimiques, souvent invoquée par les chantiers de retrait d’amiante, concerne d’autres secteurs comme la métallurgie avec les fumées de soudage et les huiles de coupe, la menuiserie avec les poussières de bois, les vernis et les colles, la plasturgie, cosmétiques, etc. L’enquête Sumer (Surveillance médicale des risques professionnels) réalisée en 2002-2003 évalue à 2 370 000, le nombre de salariés exposés dans leur travail à un, ou plusieurs, produits cancérogènes. Soit 13,5 % de la population active.
Protéger les voies respiratoires
« S’il n’est pas possible d’éliminer les substances dangereuses, il convient de travailler en vase clos, de limiter les quantités aux postes de travail et donner la priorité aux mesures de protection collective sur les mesures individuelles », martèle l’ingénieur. C’est la démarche privilégiée par le législateur et in fine par le juge. Lorsque l’utilisation de produits chimiques dangereux ne peut être faite dans un système étanche, les systèmes de ventilation et de captage à la source des émissions de produits dangereux constituent un bon moyen de réduire l’exposition des salariés à ces produits.
Parmi les solutions disponibles, citons les bras aspirants, qui se positionnent au plus près de la source d’émission du polluant, et les hottes, qui aspirent les vapeurs toxiques. Sans oublier les sorbonnes de laboratoire destinées à traiter les solvants et autres produits volatiles, mais aussi les poudres et fumées. Ces dernières sont notamment fournies par des PME comme Equip Labo, Possémé et Trionyx.
Une fois ces équipements installés, l’employeur doit veiller à maintenir leurs performances aérauliques initiales en effectuant un contrôle chaque année. D’autres contrôles consistent à vérifier les niveaux d’exposition des opérateurs à certaines substances dangereuses. Pour cela, les utilisateurs sont équipés de pompes qui vont piéger les particules de gaz sur des supports de différentes natures. Ce qui permettra aux laboratoires de contrôle de vérifier que la valeur limite d’exposition réglementaire n’a pas été dépassée. Parmi les fournisseurs de ce type d’équipement, Dräger Safety France innove en lançant une pompe automatique X-act 5000 tout en un conçue pour effectuer des mesures en espaces confinés et dans des atmosphères explosives gazeuses. Le fabricant pousse plus loin l’innovation avec son logiciel d’aide à la décision Voice Base. « Il s’agit d’une base de données répertoriant plus de 1 700 substances dangereuses afin d’aider les utilisateurs à choisir les détecteurs de gaz et les protections respiratoires appropriées », indique Linda Kräutle, chef de produit industrie chez Dräger Safety France.
Rescoll en pointe sur la prévention des risques chimiques
Cette TPE spécialisée dans la conception de nouveaux matériaux reste très vigilante sur ses risques chimiques
Spécialisée dans la conception de matériaux composites pour le secteur de l’aéronautique, l’espace et la défense, Rescoll une société de recherche sous contrat cumule les risques chimiques. « Nous devons gérer au quotidien une multiplicité de type de risques liés à la quantité de produits stockés et à leurs dangers intrinsèques », indique Stéphanie Arigoni, responsable qualité de l’entreprise, « Nous travaillons avec des substances inflammables, comburantes, toxiques, etc. qui exigent des précautions particulières en terme de stockage et de manipulations ». Pour protéger sa quarantaine de salariés contre les risques chimiques, Rescoll mise sur des moyens collectifs et individuels. Outre les systèmes d’aspiration comme les hottes ou les sorbonnes qui équipent les postes de travail, les salariés sont tenus de porter les EPI prescrits (au minimum gants, lunettes et blouses) en fonction de l’activité de leur laboratoire.
Précautions spécifiques
Parmi les huit unités existantes, l’une fait de la synthèse de polymères conducteurs, une autre fait de la R&D dans la formulation de colles et composites, et enfin une autre fait de la préparation d’échantillons. « Ce laboratoire utilise en grande quantité des bases et des acides dont il faut se protéger de manière très spécifique avec des blouses, pantalons et chaussures de sécurité », souligne Stéphanie Arigoni. Mêmes précautions pour les ingénieurs travaillant dans le laboratoire d’étude de comportement au feu des matériaux, qui requiert le port de masques intégraux à cartouches.
Piqûre de rappel
Chaque nouvel arrivant dans l’entreprise reçoit une information sécurité. Il est aussi informé des EPI à porter à l’entrée de chaque laboratoire où sont affichés des pictogrammes. « Par ailleurs, nous faisons régulièrement des piqûres de rappel auprès de l’ensemble des salariés car la difficulté est de maintenir la vigilance aux risques chimiques. »
Masques respiratoires
Lorsque les salariés sont appelés à se déplacer sur des zones isolées ou dans des ateliers mal protégés, ils n’ont souvent pas d’autres solutions que de porter des masques respiratoires qui pourront leur être prescrits par le médecin du travail. Selon les émanations chimiques, de types gaz et vapeur, le masque sera doté d’une cartouche contenant des granules de charbon actif qui vont piéger les molécules de gaz. Avant que le filtre ne soit saturé, il devra être changé. La durée de vie d’un filtre dépend de plusieurs facteurs : la concentration de gaz en présence, la température, l’humidité ambiante et la consommation de l’usager. Parmi les fournisseurs de masques respiratoires, citons 3 M, Dräger Safety France, Valmy et MSA qui équipe, entre autres, les usines classées (Seveso).
Protection des yeux
Outre les masques respiratoires, les utilisateurs peuvent être contraints de porter des lunettes, voire des écrans de protection. « Ces derniers sont requis dès lors qu’il y a des risques d’éclaboussures ou de projections de liquides importants alors que le port de lunettes suffit quand l’opérateur manipule de petites quantités de produits », reprend Grégory Ménec.
Pour protéger les yeux de manière hermétique, les utilisateurs peuvent opter pour des lunettes-masques. Les plus évoluées sont pourvues d’un système de ventilation indirecte pour limiter les phénomènes de buées. Certaines offrent même une vision à 180°, à l’instar du dernier modèle « Cobra » proposé par Bollé Safety. Autre tendance forte cultivée cette fois par Infield Safety, c’est de proposer des lunettes de protection intégrant des verres correcteurs. Ce qui évite d’avoir à porter deux paires de lunettes à la fois.
Qui dit lunettes dit souvent gants de protection. Il existe sur le marché une kyrielle de fournisseurs (Ansell Healthcare, Honeywell, Mapa, Showa Best Glove, etc.) Avant de choisir un modèle d’EPI, il faut s’interroger sur la nature du produit manipulé afin de vérifier qu’il ne risque pas de franchir facilement la barrière cutanée. Le choix en faveur de gants de protection s’effectue en consultant la fiche de données sécurité (FDS) fournie par le fabricant ou le distributeur du produit puis la fiche de poste qui indique la durée d’exposition du salarié au produit chimique.
Outils d’aide à la décision
Le choix d’un gant est d’ailleurs si complexe qu’il existe des outils d’aide à la décision en ligne proposés notamment par le fabricant Mapa mais aussi par l’INRS, qui s’est associé à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) situé au Québec. Leur logiciel « Protecpo » recense plus de 1 200 substances. « Ce logiciel interactif aide à choisir les gants les mieux adaptés en fonction des solvants et des mélanges de solvants utilisés », explique un ingénieur au sein du département Expertise et Conseil technique », à l’INRS. Le choix se fait sur cinq matériaux (butyle, matériau fluoré, latex, néoprène et nitrile). Il suffit de taper le nom chimique d’une substance, son numéro Cas ou encore la formule chimique pour que le logiciel sélectionne le ou les matériaux.
Certains produits particulièrement irritants pour la peau peuvent amener l’entreprise à fournir à leurs salariés des blouses, voire même des combinaisons lavables ou jetables pour les protéger contre les risques de brûlures ou de démangeaisons. En présence de polluants organiques persistants comme les PCB (polychlorobiphényles) réputés pour être toxiques, écotoxiques et reprotoxiques même à faibles doses, il est important d’opter pour un textile à effet déperlant de sorte que la substance glisse à la surface du tissu sans l’imprégner. Dans ce cas, mieux vaut opter pour les combinaisons jetables. Parmi les fabricants, citons Dupont Personal Protection, Honeywell ; Microgard ou 3M. Lequel propose une gamme de combinaisons qui arborent un nouveau matériau laminé souple pour plus de confort et de sécurité.
Pour en savoir plus sur les risques chimiques
La Direccte des pays de la Loire a éditée, fin 2011 une brochure sous forme de 120 questions réponses disponible en ligne sur le site de la Direccte des Pays de la Loire.
© Eliane Kan/Agence TCA
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