Il n’est plus à prouver que les employés du milieu hospitalier rencontrent de grandes difficultés au quotidien. Or, la situation est encore plus préoccupante en ce qui concerne les travailleuses enceintes du secteur. Une étude inédite, réalisée par l’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel hospitalier (ANMTEPH), révèle ainsi que les salariées enceintes à l’hôpital sont le plus victimes de la pénibilité. La moitié d’entre elles cumulant pas moins de cinq risques d’exposition professionnelle (port de charges, risques chimiques, biologiques, physiques et organisationnels). Cette proportion grimpe à 78% pour celles qui sont soumises à trois risques.
1 116 salariées enceintes interrogées
Publiée le 21 septembre, cette étude a été réalisée à l’occasion des 55e journées de l’ANMTEPH, qui se sont déroulées les 20 et 21 septembre à Perpignan (66). Du 1er avril 2017 au 31 octobre 2017, les chercheurs ont travaillé en collaboration avec l’Institut national de recherche et sécurité (INRS) afin de veiller sur 1 116 salariées en milieu hospitalier enceintes, et sur leur exposition aux risques, à l’occasion de visites médicales. Le but étant de déterminer l’impact de ces facteurs durant la période de gestation.
La crainte du risque biologique
Pour commencer, les chercheurs ont répertorié les risques les plus fréquents. Arrive ainsi en tête l’exposition aux produits biologiques (83%) tels que le sang et les fluides corporels des patients. Ce qui présente notamment des risques de contaminations bactériennes et microbiennes. Il faut aussi compter les nombreux troubles musculosquelettiques (TMS), suscités à la fois par des positions debout prolongées pendant plus d’une heure par jour (79%) et par le port de charges lourdes supérieures à 5 kg, pour 59% des interrogées.
Du travail de nuit pour 27% des sondées
Autres facteurs de danger, l’exposition au produits chimiques (33%) et ses conséquences encore méconnues sur le foetus, ou l’utilisation d’escaliers (28%) qui, en cas de chute, peut être fatale pour le bébé. Enfin, le travail de nuit figure parmi les contraintes principales pour 27% des soignantes enceintes. Sachant que de nombreuses études ont prouvé les ravages du travail nocturne sur le sommeil, la santé mentale et physique ou sur les défenses immunitaires, les auteurs de l’étude s’interrogent sur la légitimité d’infliger, encore aujourd’hui, ce type d’horaires à une salariée qui porte un enfant.
Cumul des risques
Les chercheurs remarquent que ce n’est pas forcément l’intensité des expositions aux risques qui prime, mais bel et bien les situations de cumul de ces risques, qui sont non seulement nombreuses mais aussi bien supérieures à la moyenne nationale ! Plus précisément, parmi les soignantes les plus affectées, l’enquête cite les infirmières (60,7%) et les aides-soignantes (69,2%) qui cumulent pas moins de cinq risques professionnels.
Une aggravation de la précarité
En outre, l’enquête estime que ces facteurs de pénibilité ne font qu’aggraver les difficultés du quotidien de ces femmes, qui sont plongées dans une situation de précarité pour 16% d’entre elles. Parmi les facteurs aggravants, il y a les horaires atypiques pour 30% à 50% des sondées, la longueur du trajet pour se rendre sur le lieu de travail ou encore l’impossibilité d’obtenir deux jours de repos consécutifs pour un tiers des interrogées…
Les soignantes sont souvent les plus mal soignées
Pour expliquer ce niveau si élevé d’exposition aux risques, les chercheurs estiment que les soignantes enceintes sont négligées par la médecine du travail. Un comble pour une profession dans le secteur de la santé. Aux faibles niveaux de prévention et rares aménagements de poste (pour seulement 27% des sondées), s’ajoute le trop petit nombre de visites médicales organisées : une seule visite pour un tiers des interrogées (enceintes ou pas), une seule visite de grossesse dans 20% des cas. Un seul bon point subsiste, et pas des moindres, 60% d’entre elles auraient bénéficié d’horaires aménagés.
L’urgence d’établir des outils de prévention
La nécessité de renforcer les dispositifs de prévention semble désormais indispensable. Un fer de lance pour l’ANMTEPH qui compte bien raffermir ses actions auprès des acteurs de la santé, pour dénoncer ce phénomène et encourager la sensibilisation aux risques professionnels.
Ségolène Kahn
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