Un nouvel arrêté paru cette année oblige les collectivités à auto-surveiller leurs installations. Un créneau sur lequel se positionne cette jeune entreprise française avec une solution de modélisation 3D qui simule les écoulements. De quoi prévenir les risques d'inondation et optimiser la conception des ouvrages.
En matière de protection de l’environnement, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Avec plusieurs années de retard, la France a adopté un arrêté ministériel datant du 21 juillet 2015 qui transcrit en droit français une des obligations de la directive cadre sur l’eau. Laquelle concerne, entre autres, la préservation et la restauration des milieux aquatiques. Cette obligation passe notamment par une bonne gestion des systèmes d’assainissement afin d’éviter, entre autres, que les eaux usées, pluviales et industrielles ne viennent polluer les rivières.
Les ouvrages de gestion des eaux tels que les déversoirs d’orage ou les bassins de stockage avaient déjà fait l’objet d’un arrêté, celui du 22 juin 2007 qui a été abrogé par ce nouveau texte publié le 19 août au Journal officiel. Le législateur vise les systèmes d’assainissement collectif et les installations d’assainissement non collectif. Sont concernés, ceux qui reçoivent une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5. Le texte porte sur tous les aspects relatifs aux systèmes d’assainissement, depuis la conception jusqu’à la surveillance et le contrôle des installations en passant par la gestion et le traitement des eaux usées.
Parmi les obligations faites aux collectivités, la nécessité de gérer les eaux pluviales le plus en amont possible afin de limiter les apports dans le système de collecte. Et ce, dès le 1er janvier prochain. « Elles devront aussi être capables d’ici la fin décembre 2015 d’auto-surveiller leurs systèmes de collecte et d’assainissement », rapporte Jonathan Wertel, ingénieur hydraulique diplômé de l’Ecole nationale du génie de l’eau et de l’environnement (ENGEES). Ce docteur en mécanique des fluides de l’Université de Strasbourg préside la startup 3D Eau qu’il a cofondée en 2014 avec deux autres docteurs strasbourgeois. En l’espace d’un an et demi, la jeune PME de 10 personnes (principalement des ingénieurs en hydraulique et mécanique des fluides) s’est spécialisée dans la conception, le diagnostic et l’instrumentation des ouvrages de gestion des eaux.
Logiciel de modélisation 3D. Son offre tombe à point nommé pour aider les collectivités et les exploitants à faire face à leurs obligations tout en optimisant leurs investissements. Pour se différencier de ses concurrents, l’entreprise dispose en effet d’un logiciel de modélisation 3D développé et breveté par le laboratoire Icube (unité mixte CNRS, Université de Strasbourg, INSA de Strasbourg, et ENGEES) dont est issue la startup. « L’idée d’appliquer la modélisation 3D à la gestion des réseaux d’eau revient à José Vazquez, professeur en hydraulique à l’ENGEES, qui est aussi un des trois cofondateurs de l’entreprise », indique Jonathan Wertel.
Initialement conçue pour les besoins de l’aéronautique, cette technologie lui sert à simuler et visualiser l’écoulement de l’eau à l’intérieur des bassins de rétention et autres installations. « Nous utilisons ce logiciel pour diagnostiquer des ouvrages et optimiser la conception des futures installations », résume Jonathan Wertel qui s’engage auprès des maîtres d’ouvrage à réduire leur investissement à hauteur de 5% à 10%. Sachant que la construction d’un bassin coûte environ 1.000 euros par m³, cela représente pour un bassin de 10.000 m³ une économie pouvant aller de 500.000 à 1 million d’euros.
Prévention des risques d’inondation. La modélisation 3D n’intéresse pas seulement la conception d’ouvrage. La jeune entreprise l’utilise aussi pour instrumenter et diagnostiquer les aménagements existants tels que les déversoirs d’orage. « En modélisant les interactions entre l’eau et l’air, nous pouvons prévenir les risques d’inondation », explique le président de 3D Eau qui vient de recevoir le prix de la jeune entreprise innovante pour la prévention des risques de catastrophe naturelle remis lors de la 6ème réunion annuelle du Forum européen pour la réduction des risques de catastrophes.
Depuis sa création en avril 2014, l’entreprise a déjà réalisé 600.000 euros de chiffre d’affaires et compte de nombreuses références, majoritairement en France. Parmi lesquelles, le Syndicat Interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) qui traite chaque année 5 millions m3 d’eaux usées, pluviales et industrielles avant leur rejet dans la Seine et dans la Marne. Citons aussi les villes de Biarritz, Chablis et Montargis. Sans oublier Vichy-Val d’Allier.
En 2015, cette commune a placé ses 9 déversoirs d’orage en auto-surveillance à l’aide de capteurs sans fil. Ce qui lui permet de savoir précisément quel est le débit d’eaux pluviales déversées dans la rivière, comme le demande la nouvelle réglementation. « A la différence des capteurs immergés, les détecteurs que nous utilisons mesurent les niveaux de l’eau tout en restant au sec, décrit le dirigeant de 3D Eau. Nos capteurs communicants envoient des SMS pour faire de la prévision mais aussi pour alimenter des automates de supervision afin d’ouvrir ou de fermer des vannes. » Autre avantage de cette instrumentation, la réduction des coûts d’exploitation. Comme les capteurs ne sont pas immergés, il n’est pas nécessaire d’envoyer des agents communaux pour les nettoyer régulièrement. Ce qui contribue à réduire sensiblement les risques d’accident et les coûts de maintenance.
Eliane Kan
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